"Pas très bienvenu" : le malaise se propage à Bruxelles après la rencontre Orbán-Poutine

Jean Delaunay

« Pas très bienvenu » : le malaise se propage à Bruxelles après la rencontre Orbán-Poutine

Les images du Premier ministre hongrois Viktor Orbán et du président russe Vladimir Poutine se serrant la main en Chine ont suscité un malaise à Bruxelles à un moment où les inquiétudes grandissent quant aux fractures de l’unité occidentale.

La réunion bilatérale entre les dirigeants a eu lieu mardi en marge d’un forum international organisé par le président chinois Xi Jinping pour célébrer l’initiative de la Ceinture et de la Route du pays, un vaste projet d’infrastructure qui implique plus de 150 pays.

Les entretiens en personne, qui ont vu Orbán et Poutine assis l’un à côté de l’autre, se sont concentrés sur « les domaines des livraisons de pétrole et de gaz ainsi que de l’énergie nucléaire », selon un bref communiqué publié par le gouvernement hongrois.

« Le Premier ministre Orbán a souligné l’importance de la paix, affirmant que la fin du flux de réfugiés, des sanctions et des combats était essentielle pour l’ensemble du continent, y compris la Hongrie », indique le communiqué.

Sans surprise, la rencontre et la poignée de main se sont mal déroulées à Bruxelles, selon de hauts diplomates de différents pays qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat pour exprimer librement leurs pensées et leurs sentiments.

La question a été abordée mercredi lors d’une réunion d’ambassadeurs, au cours de laquelle certains représentants ont demandé des éclaircissements à leur homologue hongrois.

« Cela n’a pas été très bien accueilli, disons simplement cela », a déclaré un haut diplomate, qualifiant Poutine de source de « toutes sortes de problèmes » pour le bloc. « Il y a eu beaucoup de regrets. Le signal envoyé n’était pas positif. »

L’optique est explicite.

Vladimir Poutine est un président étranger sous sanctions européennes qui a été accusé, entre autres, d’avoir commis des crimes de guerre contre la population ukrainienne, d’avoir utilisé l’approvisionnement énergétique comme arme pour causer des ravages économiques, de mener des campagnes de désinformation incessantes pour déstabiliser les systèmes démocratiques libéraux et de poursuivre une politique néo-impérialiste. programme visant à modifier l’ordre mondial fondé sur des règles établi à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Poutine a été placé sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour expulsion et transfert illégaux d’enfants ukrainiens.

Orbán, pour sa part, est le leader d’un État membre de l’UE censé suivre et honorer les stratégies communes convenues par le Conseil européen, dont il fait partie. Avant de rencontrer Poutine, le Premier ministre hongrois en a informé le président du Conseil européen Charles Michel, qui l’a « fortement déconseillé », selon le porte-parole de Michel.

« Il est crucial que tout le monde s’en tienne à la politique que nous avons. S’il y a un dirigeant qui rencontre Poutine, ce n’est clairement pas conforme à la politique », a déclaré un autre diplomate.

Alors qu’Orbán a été dénoncé dans le passé pour avoir bloqué ou édulcoré l’action collective européenne d’une manière qui semblait favoriser les intérêts de la Russie, cette rencontre face-à-face a soulevé des inquiétudes quant à d’éventuelles violations de la sécurité.

Les diplomates s’appuient sur des informations confidentielles pour mener des négociations et prendre des décisions. La protection des communications est particulièrement importante dans des domaines très sensibles tels que les sanctions, la défense, l’énergie et la technologie.

« Lorsque nous nous réunissons au Conseil, nous attendons de chacun qu’il respecte les règles et agisse de bonne foi. Cela s’applique à tout le monde », a ajouté le diplomate. « Des images comme celle-ci ne renforcent pas, c’est le moins qu’on puisse dire, cette image de nous tous dans un cadre confortable partageant des informations les uns avec les autres. Je suis sûr qu’il y a des collègues qui se demandent ce qui sort de la pièce. »

Cependant, le premier diplomate cité ci-dessus a minimisé le risque, affirmant qu’il n’y avait « pas de sentiment de cheval de Troie » malgré des désaccords persistants sur la guerre en Ukraine.

Budapest bloque depuis des mois une tranche de 500 millions d’euros d’aide militaire de l’UE à Kiev, une impasse qui est devenue un point de friction sensible à Bruxelles.

Le veto a commencé début mai après que l’Agence nationale ukrainienne pour la prévention de la corruption (NACP) a ajouté OTP Bank, la plus grande banque de Hongrie, à sa liste de « sponsors internationaux de guerre ». Budapest a qualifié cette décision d’« inacceptable » et de « scandaleuse » et a exigé une rétractation en échange de l’aide de l’UE.

Après des mois sans progrès, la NACP a pris au début du mois la décision de retirer définitivement la banque de la liste. Mais cette concession n’a pas réussi à faire changer d’avis la Hongrie et le veto reste en vigueur aujourd’hui.

« Différentes questions sont encore en discussion », a déclaré un haut responsable travaillant pour les institutions européennes, sans entrer dans les détails. « Nous espérons, franchement, que le plus tôt possible, nous parviendrons à un accord. Nous y travaillons toujours. »

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