L’UE doit honorer ses obligations juridiques et protéger la vie marine de la pêche destructrice

Jean Delaunay

L’UE doit honorer ses obligations juridiques et protéger la vie marine de la pêche destructrice

Nous sommes confrontés à un moment critique pour renforcer le leadership, l’obligation juridique et la responsabilité de l’UE en matière de sauvegarde de l’une des régions les plus vulnérables et biologiquement diversifiées de la planète, écrit Sian Owen.

Lorsque l’UE a fait progresser sa stratégie pour la biodiversité à l’horizon 2030 en fermant les écosystèmes marins vulnérables à la pêche de fond, le 9 octobre 2022, cette mesure a été saluée comme une mesure visionnaire à l’échelle mondiale.

Un an plus tard, Bruxelles semble prête à abandonner ce qui était considéré comme une victoire capitale pour la protection, la conservation et la restauration de la biodiversité.

Les fermetures, mises en œuvre il y a un an aujourd’hui dans le cadre du règlement européen sur l’accès aux eaux profondes, ont été décidées en reconnaissance de l’obligation des États membres de protéger les écosystèmes marins extrêmement vulnérables contre l’impact de la surpêche et d’autres perturbations humaines.

Ces responsabilités ont été réitérées dans le plan d’action pour le milieu marin de l’UE et partagées par les Nations Unies, qui reconnaissent l’immense importance et la valeur des écosystèmes des grands fonds et de la biodiversité qu’ils soutiennent.

Des environnements fragiles menacés

Une série d’environnements fragiles associés aux monts sous-marins, aux systèmes de dorsales océaniques et à des éléments similaires, où les coraux d’eau froide et les éponges des grands fonds constituent un riche habitat pour de nombreuses autres espèces, sont menacés.

La vie dans les profondeurs est lente à croître et à se reproduire, et est particulièrement adaptée à un environnement largement immuable.

Cela le rend particulièrement sensible aux engins de pêche destructeurs, tels que les chalutiers de fond, qui détruisent sans discernement toute vie sur leur passage.

À l’instar des oasis dans le désert, ces écosystèmes marins vulnérables constituent d’énormes réservoirs de biodiversité.

Des mouettes suivent un bateau de pêche sur la mer Baltique près de Timmendorfer Strand, dans le nord de l'Allemagne, juillet 2020
Des mouettes suivent un bateau de pêche sur la mer Baltique près de Timmendorfer Strand, dans le nord de l’Allemagne, juillet 2020

Les monts sous-marins, ces montagnes sous-marines qui s’élèvent du fond marin sans briser la surface de l’océan, ont particulièrement besoin de protection.

À l’instar des oasis dans le désert, ces écosystèmes marins vulnérables constituent d’énormes réservoirs de biodiversité.

Ils sont importants pour les grands mammifères marins, tels que les dauphins et les baleines, ainsi que pour une extraordinaire diversité de poissons, d’éponges exotiques et de coraux.

Un an plus tard, la réglementation est menacée

La Deep Sea Conservation Coalition exhorte l’UE à respecter ses engagements visant à protéger les écosystèmes vulnérables des grands fonds marins de l’impact de la pêche de fond destructrice depuis 2012, lorsque la Commission européenne a proposé pour la première fois un nouveau règlement sur l’accès aux eaux profondes.

Le règlement a finalement été adopté en 2016, après des années de débats et de négociations prolongés.

En raison d’un manque de coopération et d’une faible volonté politique de la part d’une poignée d’États membres de l’UE dotés de puissants lobbyistes de l’industrie de la pêche, il a fallu attendre 2022 pour mettre en œuvre les premières fermetures, soit quatre ans après la date limite exigée par le règlement.

Alors que l’UE examine la liste annuelle des fermetures de zones proposées pour 2023, comme le recommande l’organisme scientifique de l’UE, le CIEM, certains États membres s’opposent à de nouvelles fermetures.

Des manifestants d’Ocean Rebellion manifestent devant le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et de l’Agriculture.  Rural Affairs sur l'écologie de la surpêche, à Londres, septembre 2023
Des manifestants d’Ocean Rebellion manifestent devant le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et de l’Agriculture. Rural Affairs sur l’écologie de la surpêche, à Londres, septembre 2023

Le leadership et la détermination du commissaire européen chargé de l’environnement et des océans, Virginijus Sinkevičius, ont été essentiels pour garantir cette victoire significative en faveur de la protection des océans.

Pourtant, à peine un an plus tard, la réglementation est déjà menacée. Alors que l’UE examine la liste annuelle des fermetures de zones proposées pour 2023, comme le recommande l’organisme scientifique de l’UE, le CIEM, certains États membres s’opposent à de nouvelles fermetures.

Ces pays doivent se rappeler qu’ils se sont engagés à mettre en œuvre le règlement lorsqu’il a été adopté par consensus en 2016. Cet engagement comprend l’acceptation de révisions annuelles de la liste des écosystèmes marins vulnérables et de nouvelles fermetures des pratiques de pêche destructrices.

Un regard au-delà des intérêts

Pour que l’UE puisse respecter ses engagements en matière de biodiversité, elle doit rester ferme dans son engagement à protéger les fonds marins.

Cela nécessite de regarder au-delà des intérêts de la pêche commerciale et de s’intéresser à la valeur intrinsèque plus large de ces écosystèmes uniques et fragiles, dont la simple vulnérabilité nécessite une protection accrue de la Commission européenne.

Une telle approche est conforme à l’engagement des dirigeants en faveur de la nature visant à stopper et inverser la perte de biodiversité d’ici 2030, signé par tous les chefs d’État de l’UE et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

À ce jour, le commissaire Sinkevičius a démontré son engagement à mettre en œuvre ces protections.

Alors qu’il entre dans la dernière partie de son mandat, nous l’exhortons à encourager l’adoption de nouvelles fermetures de monts sous-marins et d’autres écosystèmes marins vulnérables dans les eaux de l’UE, conformément aux exigences du règlement et aux avis scientifiques les meilleurs et les plus ambitieux.

Il s’agit d’un moment critique pour renforcer le leadership, l’obligation juridique et la responsabilité de l’UE en matière de sauvegarde de l’une des régions les plus vulnérables et les plus biologiquement diversifiées de la planète.

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