À bord d’un navire de sauvetage sur la route migratoire la plus meurtrière vers l’Europe

Jean Delaunay

À bord d’un navire de sauvetage sur la route migratoire la plus meurtrière vers l’Europe

Dans cet épisode de Witness, la journaliste d’L’Observatoire de l’Europe Monica Pinna rejoint une équipe de secours d’une ONG dont la mission est de sauver la vie des migrants en mer Méditerranée. Ce reportage immersif vous emmène dans les coulisses d’une opération de sauvetage.

Je vis sur Humanity 1 depuis onze jours. L’ONG allemande SOS Humanity m’a invité à bord de son navire de sauvetage alors qu’un nombre record de migrants tentent d’atteindre les côtes européennes. Ma mission était de raconter de l’intérieur l’histoire d’un sauvetage. Les histoires de ceux qui y parviennent et de ceux qui fuient.

Pinna, Monica/
À bord de l’humanité 1

Il y a à bord treize nationalités de professionnels hautement qualifiés. Qu’est-ce qui les amène à bord ?

« Je voyage entre les frontières depuis 2015 en tant que bénévole au début. » Explique l’officier de protection italien Sara.

« Après plusieurs années d’expérience en Grèce, à la frontière avec la Turquie, j’ai ressenti le besoin de mieux comprendre également la frontière centrale de la Méditerranée. En tant qu’anthropologue, je pense qu’il est vraiment important de prendre soin concrètement de ces personnes. » Sara continue.

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L’officier de protection italien Sara dans Humanity 1

Cinq jours après le début de notre voyage, nous nous réveillons en traversant la route migratoire la plus meurtrière vers l’Europe, la route de la Méditerranée centrale. Cette description provient d’un rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui affirme qu’une personne sur six qui quitte les côtes de l’Afrique du Nord sur de petits bateaux ne survit pas à son voyage.

Nous avons repéré un bateau en détresse deux jours plus tard.

L’équipage a secouru 57 personnes, principalement du Bangladesh. Ils avaient quitté la Libye la nuit précédant le sauvetage.

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Quelques réfugiés secourus par Humanity 1

Youssef, ce n’est pas son vrai nom, a tenté à plusieurs reprises de rejoindre l’Italie.

« Ma famille et moi avons pensé à immigrer en Italie. Nous voyagions dans un bateau de 8 ou 9 mètres, mais les milices libyennes nous ont arrêtés. Ils ont attaqué le bateau sans pitié. Ils nous ont percutés sans pitié. Ils nous ont emmenés en prison.

Cette fois, Youssef a laissé sa femme et ses enfants en Libye.

« Je n’avais pas beaucoup d’argent, c’est pourquoi je suis venu seul en Italie pour travailler et chercher un moyen de ramener ma famille, car je ne peux pas leur infliger les bateaux de la mort. »

Youssef – ce n’est pas son vrai nom – un réfugié secouru par Humanité 1

Depuis 2014, plus de 22 000 personnes sont mortes ou ont disparu en tentant de traverser la route de la Méditerranée centrale. Cette année, les départs de Tunisie ont été multipliés par six par rapport à 2022. Les arrivées en Italie ont grimpé en flèche, mais davantage de personnes meurent également.

« Depuis le début de l’année, plus de 2000 personnes se sont noyées ou ont disparu en Méditerranée, un chiffre que nous n’avions pas vu depuis 2017 », explique la coordinatrice de la communication, Camilla.

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Coordinatrice de communication Camilla de SOS Humanité

SOS Humanité affirme qu’il existe un besoin urgent d’un programme européen efficace de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Ils soulignent que les opérations de sauvetage ont subi un nouveau coup dur en janvier 2023. Le gouvernement italien a imposé un nouveau code de conduite aux ONG. Les navires de sauvetage civils sont condamnés à une amende ou immobilisés s’ils effectuent plus d’un sauvetage à la fois et se voient souvent attribuer un port de sécurité éloigné pour le débarquement.

« Les navires des ONG sont parfois envoyés dans des ports situés à 1 400, 1 600 kilomètres, ce qui nous maintient hors de la zone d’opération pendant des jours entiers », explique Camilla.

Nous avons parcouru pendant quatre jours un millier de kilomètres depuis le lieu de sauvetage jusqu’au port de sécurité de Livourne.

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Navire de sauvetage Humanité 1

En Europe, les discussions sur les migrants tournent souvent autour des chiffres. Combien arrivent, combien meurent… Pour moi, ce n’étaient que des gens portant de lourds fardeaux.

Certains ont voyagé pendant des années pour en arriver là.

Les statistiques indiquent que seul un petit nombre de ceux qui arrivent parviendront à rester légalement en Europe. Beaucoup seront renvoyés à la case départ, leur point de départ.

Pinna, Monica/
Quelques survivants secourus par Humanité 1

Humanity 1 est prête à repartir pour secourir d’autres migrants fuyant la pauvreté, la guerre et le désespoir. Un cycle sans fin.

SOS Humanité est financée presque exclusivement par des donateurs privés et des organisations humanitaires.

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