La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, un événement historique qui se déroule sur la célèbre Seine au lieu d’un lieu sportif traditionnel, n’a guère de raisons de se réjouir parmi les libraires centenaires des berges.
Si vous avez déjà eu le plaisir de vous promener sur les rives pittoresques de la Seine à Paris, vous avez probablement rencontré les charmants bouquinistes, une gamme de stands de livres d’occasion.
Cette tradition intemporelle, qui constitue le plus grand marché du livre en plein air d’Europe, porte en elle des siècles d’histoire et joue un rôle indispensable dans le patrimoine littéraire et culturel de la ville.
Cependant, un défi imminent se profile alors que les autorités parisiennes envisagent de démanteler et de déplacer environ 570 de ces stands précieux, représentant 60 % de leur présence totale le long des berges, avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de l’année prochaine.
Mais les libraires élèvent le ton pour protester. Ils affirment que cette décision menace d’effacer un symbole de la ville et pourrait causer des dommages irréparables aux boîtes vertes traditionnelles, sombres et séculaires.
Une brève histoire des bouquinistes
La tradition de la vente de livres d’occasion le long de la Seine trouve ses racines au XVIe siècle, lorsque les libraires ambulants se déplaçaient de ville en ville et installaient des échoppes le long des berges.
En 1649, un premier décret interdit la vente de livres à proximité du Pont-Neuf, et en 1721, une autre ordonnance introduit la possibilité d’emprisonnement pour les personnes impliquées dans de telles expositions.
Par la suite, la loi fut finalement abrogée et, à partir de 1859, les bouquinistes obtinrent le droit de vendre leurs livres et diverses marchandises à partir d’endroits désignés et fixes le long du fleuve.
Le terme « bouquiniste » fait son apparition en 1762 dans les pages du Dictionnaire de l’Académie française, signifiant initialement « libraire ». Il dérive du flamand « boekin » ou « petit livre ».
Les échoppes en bois vert, désormais synonymes des bouquinistes parisiens, ont commencé à apparaître au XIXe siècle et sont devenues l’un des symboles les plus emblématiques de la ville.
Conflit des Jeux Olympiques
La ville de Paris s’est engagée à organiser une grande ouverture extraordinaire le 26 juillet de l’année prochaine, qui devrait attirer environ 600 000 spectateurs.
Résultat, la préfecture de police de Paris a ordonné le retrait, la veille de la cérémonie, de 570 « cartons stationnaires » – des stands de rue dont les libraires opéraient depuis des décennies sur les quais de Seine.
Invoquant des problèmes de sécurité, la préfecture craint que les caisses ne soient utilisées pour dissimuler des engins explosifs lors de la cérémonie d’ouverture, qui verra défiler plus de 10 500 athlètes issus de 206 délégations le long du fleuve sous les yeux de centaines de milliers de spectateurs.
Cependant, un certain nombre de cartons traditionnellement vert foncé n’ont pas été bougés depuis des décennies, pour certains depuis plus d’un siècle, et les libraires dénoncent la décision de la préfecture.
Ils craignent également que la ville cause des dommages irréparables aux boîtes séculaires en les retirant.
« Nous sommes un symbole de Paris », a déclaré Jérôme Callais, qui vend des livres sur les quais depuis les années 90 et qui dirige l’Association culturelle des libraires de Paris, qui milite pour la sauvegarde des cartons.
« C’est comme si la préfecture avait décidé que la Tour Eiffel était trop haute et qu’il fallait supprimer les troisième et deuxième étages car ils tombaient sous le champ des caméras lors de la cérémonie. »
«Nous sommes d’accord sur le fait que nous ne bougerons pas», a ajouté Callais. « Oui, nous pouvons avoir une conversation, mais pas question de toucher à nos cartons. »
Tests de faisabilité
Dans l’attente d’un arrêté officiel, « le préfet de police a donné son accord » pour permettre « des tests sur trois ou quatre cartons de types différents » pour évaluer la faisabilité du déménagement et éventuellement réviser la liste des cartons à déplacer, comme » ont expliqué la Ville de Paris, les libraires et la préfecture de Paris à l’issue d’une réunion tripartite.
Cette rencontre a surtout servi à « rétablir le dialogue nécessaire », selon Pierre Rabadan, adjoint chargé des Jeux olympiques, qui a souligné l’engagement de la ville auprès des libraires et sa volonté de dialoguer.
La maire du 5e arrondissement, Laurence Berthout (Horizons), a exprimé sa frustration face à la lenteur des procédures de la ville et a demandé que des « prestataires experts » soient associés aux côtés des agents communaux dans la réalisation des tests.
Alors que la ville est aux prises avec ce choc entre tradition et modernité, le sort des bouquinistes est toujours en jeu.