Les Européens ont peut-être tendance à ne pas utiliser de systèmes de climatisation, mais les ventes de climatiseurs et de pompes à chaleur augmentent régulièrement, notamment dans les pays du sud du continent.
Culturellement, les Européens s’opposent encore à la climatisation. Cependant, les chiffres montrent que l’utilisation de la climatisation n’a cessé d’augmenter sur le continent, à mesure que les températures augmentent depuis le début du siècle dernier.
Selon le dernier rapport sur le sujet de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié en 2018 et basé sur des données de 2016, l’Union européenne possède beaucoup moins d’unités de climatisation que la Chine ou les États-Unis.
Elle compte globalement moins d’unités de climatisation (96,5 millions d’unités) et moins d’unités pour 1 000 habitants (environ 20 unités pour 1 000 habitants).
En 2016, trois pays représentaient à eux seuls les deux tiers des unités de climatisation mondiales : la Chine, les États-Unis et le Japon.
En 2022, le taux de pénétration de la climatisation est de 90 % aux États-Unis et de seulement 19 % en Europe, selon des données plus récentes mais moins précises de l’AIE.
Dans ses projections pour l’Union européenne, l’AIE prévoit 130 millions d’unités installées d’ici 2023 et estime que le nombre d’unités devrait quadrupler sur le continent d’ici 2050.
Une particularité du marché européen par rapport à celui des autres pays mentionnés dans le rapport de l’AIE est que la climatisation a d’abord été installée dans des bâtiments commerciaux tels que des bureaux, plutôt que dans des habitations privées.
Selon l’AIE, la climatisation a progressé plus rapidement sur le marché domestique que dans les bâtiments commerciaux.
Cependant, faire installer une climatisation reste souvent un petit luxe.
Une étude réalisée dans 16 pays par quatre chercheurs des universités de Berkeley aux États-Unis et de Mannheim en Allemagne montre que, globalement, le nombre de ménages installant la climatisation est plus élevé dans les pays les plus riches et augmente plus fortement parmi les ménages les plus riches.
Le coût de l’installation constitue un obstacle. l’augmentation des factures d’énergie une fois la climatisation opérationnelle en est une autre.
Le cercle vicieux de la climatisation
L’utilisation accrue de la climatisation a trois effets tout au long du cycle de vie d’un appareil de climatisation, de sa production à sa livraison, son utilisation et son recyclage :
- une augmentation de la consommation d’énergie ;
- une augmentation des gaz à effet de serre ;
- un air plus chaud, notamment dans les villes, avec effet d’îlot de chaleur.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la climatisation est actuellement responsable de l’émission d’environ un milliard de tonnes de CO2 par an, sur un total de 37 milliards de tonnes émises dans le monde.
Clara Camarasa, experte à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), explique que la climatisation « peut exercer une pression immense sur les réseaux électriques et accélérer les émissions de gaz à effet de serre, exacerbant ainsi la crise climatique ».
Elle ajoute : « La croissance rapide des besoins (en climatisation) peut conduire à l’utilisation d’équipements inefficaces et énergivores. Les climatiseurs ont également souvent besoin de grands volumes d’eau, et certains d’entre eux, avec certains réfrigérants, ont un potentiel de réchauffement particulièrement élevé. ce qui est également nocif pour la couche d’ozone ».
Les besoins en climatisation des bâtiments ont quadruplé entre 1979 et 2022 dans l’Union européenne et deviennent de plus en plus évidents dans le nord du continent.
Selon Eurostat, le refroidissement de l’air ne représente actuellement que 0,5 % de la consommation finale d’énergie des ménages européens. Cette part varie selon la situation géographique des pays et leur exposition aux températures élevées :
En ville, le recours à la climatisation accentue l’effet d’îlot de chaleur. En plus de contribuer au changement climatique mondial, les systèmes de climatisation refroidissent les bâtiments en libérant de la chaleur dans les zones urbaines, qui emmagasinent la chaleur et la restituent, notamment la nuit.
En France, une équipe du Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) dirigée par Vincent Viguié, chercheur en économie du changement climatique, a simulé la combinaison d’une canicule et du niveau de climatisation à Paris.
Ils ont calculé que la température dans les rues de Paris augmenterait de 2,4°C la nuit si tous les bâtiments climatisés de la ville maintenaient une température intérieure de 23°C pendant neuf jours de canicule à 38°C.
Cette canicule inciterait à son tour à recourir à la climatisation, dans un cercle vicieux qui pourrait conduire à abandonner définitivement le refroidissement des bâtiments.
Une nécessité fondamentale ?
Pourtant, dans certaines régions, la climatisation est devenue une nécessité fondamentale.
« Certains puristes pensent que nous ne devrions pas du tout utiliser la climatisation, mais je pense que ce n’est tout simplement pas faisable », déclare Robert Dubrow, directeur du Centre sur le changement climatique et la santé à l’Université de Yale.
L’accès à la climatisation sauve déjà des dizaines de milliers de vies par an, un chiffre en augmentation, selon un récent rapport de l’AIE co-écrit par Robert Dubrow.
Des études montrent que le risque de décès dû à la chaleur est réduit d’environ 75 % pour les ménages équipés de la climatisation.
Tous les experts s’accordent sur le fait qu’une action raisonnable n’est pas de réduire l’utilisation de la climatisation en tant que telle, mais de promouvoir des systèmes plus efficaces d’une part, et de donner la priorité à l’isolation des bâtiments et à la végétation, d’autre part.
Clara Camarasa, experte à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), souligne que « les solutions basées sur la nature (…) suscitent un intérêt croissant comme moyen de lutter contre les îlots de chaleur urbains. Espaces verts, toits verts… (et ) peut rendre les villes plus résilientes, en complément de technologies efficaces. »
Elle estime donc que « donner la priorité aux pompes à chaleur réversibles et améliorer l’isolation des bâtiments peut contribuer à construire des villes plus durables et plus résilientes, tout en répondant à la demande croissante d’énergie ».