PARIS — Sans majorité à l’Assemblée, François Bayrou a appelé mardi au nécessaire retour à la « stabilité » du pays, tout en se montrant lucide sur ses chances de durer (« 84% des Français jugent, paraît-il, que le gouvernement ne passera pas l’année », at-il ironisé). L’Observatoire de l’Europe vous a sélectionné les principaux points à retenir de sa déclaration de politique générale — le fil de son discours et des réactions est à retrouver par ici.
Le Premier ministre a ouvert la voie à une révision de la réforme des retraites, mais qui n’interviendrait pas avant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026, à l’automne. « La loi de 2023 a prévu que l’âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026. Une fenêtre de tir s’ouvre donc », at-il acté. Seuls les rangs du MoDem ont applaudi à cette annonce.
Première étape : réunir les partenaires sociaux dès le 17 janvier, pour partager « sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite ». « Seule exigence » : « ne pas dégrader l’équilibre financier » issu de la dernière réforme Borne.
Syndicats et patronat auront trois mois, à compter de la réception d’un audit commandé à la Cour des comptes sur l’état du régime actuel, pour trouver un accord dont sera saisi le Parlement. S’ils échouaient à s’entendre, « c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer », a expliqué le chef du gouvernement.
Attendu de pied ferme sur sa feuille de route pour réduire le « surendettement de notre pays », selon ses mots, le Premier ministre s’est montré peu disert sur le projet de loi de finances, dont les débats reprennent pourtant mercredi au Sénat.
Seule confirmation de taille : l’objectif de déficit sera fixé à 5,4% du PIB, contre 5% sous Michel Barnier, soit un écart d’une grosse dizaine de milliards d’euros. En outre, la prévision de croissance est révisée de 1,1% à 0,9%, conformément à la projection de la Banque de France.
François Bayrou a levé un petit coin du voile sur ses mesures en matière de nouvelles recettes. Le gouvernement est bien « en train de travailler sur une taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines », afin qu’ils « n’échappent pas à l’impôt », sans en dire plus.
L’élargissement de la taxe sur les transactions financières a également été confirmée. Les socialistes veulent porter son taux à 0,5% contre 0,3% actuellement. Le Sénat s’était prononcé pour 0,4% en décembre : « Il me semble qu’on n’est pas si loin, à supposer qu’on souhaite trouver des points de rencontre », a constaté Bayrou.
Marronnier des déclarations de politique générale, l’affaire « simplification » a été rapidement cochée par François Bayrou.
Comme Gabriel Attal et Michel Barnier avant lui, le Béarnais a placé le chantier de la « débureaucratisation » en haut de la pile. Il a annoncé qu’il souhaitait voir le projet de loi de simplification « être adopté rapidement », sans s’aventurer sur un calendrier.
Autre annonce concrète, la mise sur pied d’un fonds spécial dédié à la réforme de l’Etat, financé en partie grâce à la cession de biens immobiliers publics. Ce véhicule servirait, par exemple, à financer le déploiement de l’intelligence artificielle dans les services publics.
Sans annoncer de fusion ou de regroupement, le Premier ministre a laissé entendre que son gouvernement chercherait à faire des économies sur les agences de l’Etat. « Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes, ou opérateurs exercent l’action publique ? s’est entouré du Palois à la tribune.
Le chef du gouvernement a remis à l’ordre du jour les deux grands dossiers du ministre de la Culture, à commencer par le projet de loi reprenant les conclusions des Etats généraux de l’information. Voulues par Emmanuel Macron, ces rencontres avaient pris en compte 15 propositions, dont des mesures d’éducation aux médias, et un rééquilibrage des revenus publicitaires entre les grandes plateformes numériques et médias.
François Bayrou est également favorable à la réforme de l’audiovisuel public, pour l’instant en pause dans la navette parlementaire. Pour mémoire, Rachida Dati s’était prononcée en faveur d’un rapprochement, voire d’une fusion, des principales entités — Radio France, France télévisions, l’Institut national de l’audiovisuel et Arte France.
Les syndicats agricoles resteront sans doute sur leur faim : hormis la confirmation de prochaines conférences de l’eau, nationale et régionales, les agriculteurs ont surtout eu droit à plusieurs marques de considération. François Bayrou déplore « l’humiliation » et « l’atteinte profonde » qui peuvent engendrer des inspections de l’Office français de la biodiversité ou des critiques sur leur rapport à la nature. «Ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles», a affirmé le Premier ministre, sans développer.
Plusieurs propositions institutionnelles, défendues de longue date par le candidat Bayrou, ont resurgi dans sa bouche. « Faire un seul peuple, c’est reconnaître que le pluralisme est légitime », at-il ainsi déclaré. Pour aider au financement des partis politiques et des campagnes électorales, le Premier ministre souhaite relancer la création d’une « banque de la démocratie », une promesse présidentielle de 2017, jamais concrétisée.
De même, l’introduction d’une dose proportionnellement pour les prochaines élections législatives sera étudiée lors d’une « discussion », dont ni les modalités ou le calendrier n’ont été précisés.
En matière de santé, le Premier ministre confirme, dans les pas de Michel Barnier, que ni les médicaments ni les consultations ne seront ciblés par un moindre remboursement de la Sécu. Cette mesure d’ordre réglementaire visait une économie de 900 millions d’euros.
Avant le retour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, début février, le gouvernement planche également sur une « maison notable » de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’indicateur clé des enveloppes affecte à l’offre de soins, sans préciser encore l’ampleur de l’augmentation.
Autres priorités confirmées d’un mot : la consécration de la santé mentale comme grande cause nationale en 2025, ainsi que le « remboursement intégral des fauteuils roulants », une promesse présidentielle qui fait déjà consensus dans l’hémicycle.
Petite surprise de sa déclaration : l’évocation des gilets jaunes, un mouvement « négligé », selon Bayrou. Il propose donc de « reprendre l’étude des cahiers de doléances » issues du grand débat national, organisé en 2019 par le président de la République pour répondre aux revendications des manifestants. Stockés aux archives départementales, ces 10 000 « cahiers citoyens » ont depuis été laissés en plan, sans consultation possible.