A tram drives towards the European Central Bank in Frankfurt, Germany

Jean Delaunay

Baisse des taux d’intérêt de la BCE en 2025 : jusqu’où pourraient-elles descendre ?

La BCE devrait encore réduire ses taux en 2025, alors que la faiblesse de la croissance et le ralentissement de l’inflation persistent. Alors que les marchés prévoient une baisse à 2 %, certains analystes suggèrent que des réductions plus importantes pourraient suivre si les risques commerciaux et les incertitudes mondiales s’intensifient.

La Banque centrale européenne (BCE) est de retour sous le feu des projecteurs en matière d’assouplissement monétaire, les marchés et les économistes spéculant jusqu’où Francfort pourrait aller dans la réduction des taux d’intérêt en 2025.

Après avoir réduit le taux directeur de sa facilité de dépôt à 3 % en 2024 – soit une baisse d’un point de pourcentage – les tendances économiques et inflationnistes suggèrent que de nouvelles réductions pourraient se profiler à l’horizon.

Les taux pourraient-ils tomber en dessous du niveau « neutre » de 2 %, et quels facteurs pourraient conduire à une telle évolution ?

Vers un taux neutre de la BCE

L’orientation de la BCE vers un assouplissement a été motivée par la baisse de l’inflation et une croissance médiocre.

L’inflation annuelle de la zone euro est passée de 2,8 % en janvier 2024 à 2,2 % en novembre, et la croissance économique a ralenti pour atteindre un taux annualisé de 0,4 % au troisième trimestre, proche de la stagnation.

« Après une longue période de politique restrictive, notre confiance dans le fait que nous assistons à un retour rapide à l’objectif (2 %) s’est accrue », a déclaré la présidente de la BCE, Christine Lagarde, dans un récent discours à Vilnius.

Dans sa déclaration de politique monétaire de décembre, la BCE a notamment renoncé à son engagement de maintenir ses taux « suffisamment restrictifs aussi longtemps que nécessaire », signalant un net changement vers une position plus accommodante.

« Ce biais ne reflète plus l’évolution du paysage macroéconomique, nos perspectives d’inflation ou l’équilibre des risques qui l’entourent », a déclaré Lagarde de la BCE.

Les dernières projections macroéconomiques montrent de légers ajustements à la baisse des prévisions d’inflation, l’inflation globale devant atteindre 2,1 % et l’inflation sous-jacente 2,3 % avant que les deux ne s’alignent à 1,9 % d’ici 2026. Les prévisions de croissance ont également été révisées à la baisse, avec 2025 désormais projetée à 1,1 % – en baisse par rapport à 1,3 % en septembre – et 2026 à 1,4 % – en baisse par rapport à 1,5 % précédemment.

La BCE semble prête à ajuster son taux de facilité de dépôt à un niveau dit « neutre », un point largement considéré comme un moyen de maintenir l’équilibre économique sans stimuler ni freiner la croissance.

Les marchés monétaires intègrent déjà un point de pourcentage de baisse des taux par la BCE en 2025, ce qui ramènerait le taux de la facilité de dépôt à 2 %, son niveau le plus bas depuis janvier 2023.

« La BCE continue de privilégier une approche progressive de son assouplissement monétaire. Nous prévoyons des baisses de taux de 25 points de base à chaque prochaine réunion de politique monétaire jusqu’à ce que le taux de la facilité de dépôt se stabilise à 2,0 % en juin 2025 », a récemment noté Guillaume Derrien, économiste chez BNP Paribas.

La BCE n’est pas la « touche-à-tout »

L’argument pour lequel la BCE considère le taux neutre de 2 % comme le point final probable de son cycle de réduction des taux d’intérêt vient du fait que la politique monétaire ne peut pas toujours à elle seule assumer le fardeau de relever les défis économiques de la zone euro. La politique budgétaire doit elle aussi jouer son rôle.

Katharine Neiss, PhD, économiste en chef pour l’Europe chez PGIM Fixed Income, a noté que la réunion de décembre de la BCE a indiqué qu’elle pourrait être proche de la fin, plutôt que du milieu, de son cycle d’assouplissement. « Pour notre part, nous maintenons notre prévision d’une réduction supplémentaire du taux directeur de 100 points de base en 2025, ce qui porterait le taux de dépôt à 2,0 %. »

La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a renforcé cette approche équilibrée, en déclarant que les décisions de politique monétaire restent flexibles et ne suivent pas une trajectoire prédéterminée.

Elle a également souligné que les défis économiques importants de la région ne peuvent être résolus par la seule politique monétaire, soulignant que la BCE « ne peut pas servir de touche-à-tout » pour l’économie européenne.

L’analyste chevronné de Wall Street, Ed Yardeni, président de Yardeni Research, a fait écho à ce point de vue, appelant l’Union européenne à agir de manière décisive en matière de réformes de la gouvernance et de la croissance économique. Il a souligné les recommandations de l’ancien chef de la BCE, Mario Draghi, et de l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta, comme étant des étapes cruciales pour garantir la résilience future du bloc.

Tarifs douaniers Trump et risque de réductions plus importantes : la BCE pourrait-elle baisser les taux en dessous de 2 % ?

L’engagement du président élu Donald Trump d’imposer des droits de douane de 60 % sur les importations chinoises et des droits de douane universels de 10 % sur tous les autres pays revêt une grande importance pour la zone euro. Les industries européennes fortement exportatrices, des machines aux produits pharmaceutiques, sont confrontées à des risques importants liés à la réduction des volumes du commerce mondial.

L’économiste de Bank of America, Ruben Segura Cayuela, considère le passage de la BCE d’une position belliciste à une position accommodante comme le signal que des réductions plus substantielles pourraient se profiler à l’horizon.

« Nous nous attendons à des réductions consécutives de la part de la BCE jusqu’à un taux de dépôt de 1,5% d’ici septembre », a-t-il déclaré, ajoutant que cette prévision suppose une détérioration des données et une escalade des risques liés aux tensions commerciales mondiales.

« Les risques d’un cycle de réduction plus rapide sont importants compte tenu du regain d’incertitude sur la politique commerciale et des retombées des droits de douane. »

Sven Jari Stehn, économiste chez Goldman Sachs, a également souligné la possibilité d’un rythme de réduction plus rapide en fonction des perspectives économiques.

« Compte tenu de nos prévisions d’une croissance modérée et d’une baisse progressive de l’inflation sous-jacente vers 2%, nous prévoyons une baisse de 25 points de base en janvier, avec un potentiel de 50 points de base en mars. »

Goldman Sachs prévoit des réductions séquentielles pour ramener le taux de dépôt à 1,75 % d’ici la mi-2025, même si Stehn a souligné le risque de « réductions plus rapides et plus profondes » si les conditions se détériorent.

Bill Diviney, responsable de la recherche macro chez ABN Amro, prévoit que les droits de douane pourraient constituer un choc désinflationniste pour la zone euro, tirant davantage l’inflation en dessous de l’objectif de 2 % de la BCE.

« Nous nous attendons à ce que la BCE réduise ses taux de 25 points de base à chaque réunion du Conseil des gouverneurs de l’année prochaine, à l’exception d’une pause en avril. À terme, nous voyons la BCE abaisser son taux de dépôt jusqu’à 1 %.

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