Par ELISA BERTHOLOMEY
Avec SARAH PAILLOU et ANTHONY LATTIER
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TRILATÉRALE. Tout à sa tâche de vous chroniquer l’installation de François Bayrou à Matignon, il arrive à votre infolettre préférée de passer à côté d’événements d’importance majeure (que d’aucuns qualifieraient même d’historiques). C’est le cas de ce dîner qui s’est tenu lundi soir entre d’éminentes personnalités macronistes, à savoir Olivier Dussopt, Eric Dupond-Moretti et Richard Ferrand.
Entre la poire et le fromage. Nos trois amateurs de bonne chère se sont retrouvés dans un restaurant italien du 6e arrondissement sous l’œil “interrogateur” de quelques parlementaires présents dans le même établissement, nous narrait hier matin l’un des témoins de la scène. Peut-être ceux-ci ont-ils tendu l’oreille pour entendre Ferrand raconter son coup de fil avec Bayrou à la sortie de l’Elysée vendredi matin — le Breton fut la seule personne contactée par le Palois après cette réunion avec Emmanuel Macron.
Hélas, si les assiettes étaient remplies, beaucoup sont restés sur leur faim (et nous aussi). Bon réveil à toutes et tous, nous sommes mercredi 18 décembre 2024.
NOUVEAU GOUVERNEMENT
CHAUD CHOCOLAT. C’est peu dire qu’hier au réveil entre l’Elysée et Matignon l’ambiance était fraîche (ou le cacao, chaud, selon votre préférence). Et pour cause : l’ultimatum lancé à François Bayrou de présenter ses “propositions” de gouvernement avant mardi soir (dévoilé par Playbook hier) s’apparentait à un joli recadrage du néo-Premier ministre par le président de la République.
Rame, rame, rameurs, ramez. Toute la journée, le nouvel hôte de Matignon et ses proches se sont donc employés à faire redescendre la pression. C’est le fidèle lieutenant, Marc Fesneau, qui s’y est collé le premier. Le président du groupe Les Démocrates a ainsi annoncé dans la matinée que Bayrou évoquerait à la mi-journée avec le chef de l’Etat “une architecture de démarrage” du gouvernement — une tournure qui a aussitôt rejoint notre top 2024 des meilleures expressions.
Dans la foulée, Matignon dévoilait la date de la déclaration de politique générale du PM : le 14 janvier. De quoi calmer ceux qui, de-ci de-là, commençaient à imaginer que le bail de Bayrou rue de Varenne serait plus éphémère encore que celui de Michel Barnier.
Bis repetita. François Bayrou s’est même rendu deux fois à l’Elysée hier : à la mi-journée donc, pour une réunion qui s’est “très bien passée” et qui leur a permis d’avancer selon un proche, et de nouveau le soir, pour une heure de rendez-vous. Sur ladite “architecture de démarrage” (comment s’en lasser), nous n’en saurons pas plus. Seule filtrait hier soir la possibilité d’une annonce gouvernementale en deux temps — les principaux ministères avant Noël, les autres début 2025.
Vous l’avez certainement vu circuler : the fameuse liste de la composition du gouvernement. Elisabeth Borne aux Armées, Roland Lescure à Bercy, Gérald Darmanin aux Affaires étrangères, Catherine Vautrin à l’Education nationale et Bruno Retailleau toujours à Beauvau (on en passe et des meilleurs). Playbook a comme d’habitude adoré recevoir ce document — ainsi que la moitié de Paris — lequel, de source inconnue, était évidemment classé “très confidentiel”, et sera sans doute le premier d’une longue série.
Puisqu’on parle de Retailleau : le ministre démissionnaire fait monter les enchères sur son maintien à l’Intérieur. A peine rentré de Mayotte hier soir, le Vendéen a filé au dîner de Noël des sénateurs LR, où il a livré son analyse de la situation. “Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies” pour rester au gouvernement, a-t-il admis devant ses anciens collègues, d’après un participant. Avant de leur promettre : “Je ne renoncerai pas à mes convictions, vous me connaissez”. Et de mettre en garde François Bayrou, à distance : “Si le gouvernement penche trop à gauche, ça sera sans nous !”.
Et les flammes des lepénistes ? Pour l’instant, le Béarnais se voit épargné par le RN. “Ce qui compte, c’est ce qu’il va faire. (…) Je le jugerai sur (ses) actes”, a déclaré Marine Le Pen au journal Le Parisien.
Le programme du jour. Bayrou poursuit ses consultations à Matignon ce mercredi et recevra les représentants du Parti Radical et Eric Ciotti, puis les présidents des groupes RDPI et RDSE au Sénat. Le PM espère pouvoir présenter son gouvernement “dans les jours qui viennent”, a-t-il indiqué à l’Assemblée nationale hier après-midi.
PHASE 2. Après avoir fait baisser la pression sur le sujet gouvernement, Bayrou s’est astreint à faire retomber la polémique sur sa présence au conseil municipal de Pau en pleine réunion de crise sur Mayotte (Playbook vous en parlait hier).
Même au Modem, l’aller-retour du “président” a été mal compris — certains allant jusqu’à le qualifier de “connerie”. “Depuis samedi, je trouve que l’épisode est géré de façon… inattendue”, soufflait plus pudiquement l’un des amis du Béarnais à votre infolettre hier, en admettant que la réaction du PM était “complètement décalée par rapport à l’urgence”.
Double lame. Lors de sa première séance de questions au gouv… pardon, de questions au Premier ministre face aux députés hier après-midi, Bayrou s’est donc scrupuleusement appliqué à répondre aux questions sur Mayotte (ici, là ou là), tout en commettant malencontreusement une nouvelle boulette. Dans la soirée, c’est sur le plateau de France 2 qu’il a réaffirmé tout son soutien à l’archipel. “Dès que le gouvernement sera formé, j’irai évidemment (à Mayotte) pour mobiliser la totalité des moyens de l’Etat”, a-t-il annoncé. Emmanuel Macron s’y rendra quant à lui demain.
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LES RÉPUBLICAINS
WHETHER ‘TIS NOBLER IN THE MIND. En seront-ils, ou n’en seront-ils pas ? Alors que François Bayrou peaufine les détails de son gouvernement, les députés de droite, Laurent Wauquiez en tête, montrent les muscles.
En résumé : ce n’est pas parce que plusieurs des leurs rêvent de poursuivre leurs baux respectifs au gouvernement que leur soutien à la future équipe Bayrou est acquis, ont-ils décidé hier lors de leur réunion de groupe. Et ce d’autant plus que le Premier ministre n’est plus un membre des Républicains.
Essaye encore. La plupart des députés ont jugé que, face au flou artistique entretenu par le chef du gouvernement sur la question migratoire ou la réforme des retraites, il était urgent d’attendre. Laurent Wauquiez a donc réclamé un nouveau rendez-vous à François Bayrou, après leur premier entretien, lundi. “Pour l’instant, on est plutôt sur la ligne que le compte n’y est pas”, nous disait dans l’après-midi un proche du président du groupe Droite républicaine (ex-LR).
Tant pis pour les ministres LR démissionnaires qui se verraient bien rempiler. “Ils ne sont pas là pour dicter ce qu’on fait, c’est le groupe qui décide”, martelait un député DR dans le téléphone de Playbook, avant de s’écrier : “On n’est pas les otages des sortants !”.
Mais-mais-mais tous reconnaissaient et comprenaient “la tentation d’émancipation” des sortants, dixit un autre député du groupe. Il est légitime, convenait-il, qu’il y ait “un sentiment d’inachevé” après moins de trois mois en poste. Surtout, “le ministre de référence, c’est Bruno Retailleau”, pointait lundi auprès de nous un conseiller de droite : “Ça va dépendre de ce que lui va réussir à dealer“.
L’autre bataille. Les plus Wauquiezistes se préparent. Imaginez : si le gouvernement Bayrou était formé avec des représentants LR “sans prise en compte de ce que dit le groupe”, alors ces ministres seraient considérés comme des “débauchages individuels” incapables d’entraîner avec eux les parlementaires, nous prévenait à l’heure du goûter un collaborateur de droite, à l’unisson d’un député DR. De quoi laisser entrevoir “la guerre en sourdine” qui se joue : “la place de Laurent Wauquiez versus celle de Bruno Retailleau”, nous a écrit via messagerie cryptée une conseillère LR.
À GAUCHE
PAS ALIGNÉS. Après 48 heures de consultations, les choses ne se présentent pas sous de meilleurs auspices entre François Bayrou et la gauche. Les responsables communistes sont sortis déçus de leur rencontre avec le nouveau Premier ministre, hier soir, tout comme l’avaient été avant eux les Ecologistes et les socialistes.
Une chose a étonné les dirigeants du PS lors de leur entretien de lundi. Devant eux, François Bayrou a pris ses distances avec les choix des députés MoDem (son propre parti, en effet) en matière de fiscalité. Les élus du groupe, en particulier Jean-Paul Mattei, proche du Palois, défendent en effet depuis plusieurs années la nécessité de taxer, entre autres, les superdividendes. Ils ont donc reçu à diverses reprises le soutien des élus de gauche lors de l’examen, avorté, du dernier budget.
Kanner déconfit. Or, “François Bayrou s’est montré perplexe sur le réformisme des siens en matière fiscale”, défendant l’idée qu’il ne fallait pas alourdir les impôts, nous rapportait hier Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat.
“C’est peu rassurant”, soulignait un autre sénateur socialiste contacté dans l’après-midi, s’étonnant que Bayrou, qui prône le compromis, prenne ses distances avec l’un des rares sujets qui pourraient faire consensus. Inutile de rappeler que les mesures en matière de “justice fiscale” font partie des demandes des socialistes pour trouver un accord de non-censure.
Intergroupe sénatorial. C’est justement pour débriefer leurs entretiens réciproques à Matignon que les sénateurs des groupes socialiste, communiste et écologiste (il n’y a point d’Insoumis à la Chambre haute) se sont réunis deux heures hier après-midi, a appris Playbook, ce qui est une première depuis la réforme des retraites. Les élus de gauche ont réfléchi à une stratégie commune et veulent davantage parler d’une même voix, en déposant notamment des amendements ensemble.
LE COIN TECH
PORNOGRAPHIE. C’est une date que redoutent Pornhub, YouPorn, Dorcel et compagnie : à partir du 11 janvier, cliquer sur un bouton promettant qu’on est majeur ne suffira plus pour entrer sur un site pour adultes. Désormais, ces plateformes devront vérifier l’âge de leurs visiteurs — tout en garantissant leur anonymat.
Business as usual. Pour ce faire, les sites pornos devront faire appel à des prestataires techniques indépendants, eux-mêmes ravis d’investir un marché qui s’annonce particulièrement juteux. La solution dite “en double anonymat” coûterait en effet une centaine de milliers d’euros à l’année, indique un site porno à L’Observatoire de l’Europe.
Pan pan. Ceux qui rechigneraient à se mettre en conformité risquent une sanction de l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel et du numérique. Mes collègues Klara Durand et Emile Marzolf reviennent sur cette échéance et ses enjeux dans cet article (en accès libre).
AUSSI À L’AGENDA
Emmanuel Macron se rend au Sommet UE-Balkans occidentaux à Bruxelles.
François Bayrou continue ses consultations dans le but de nommer un gouvernement. Il s’entretient avec Nathalie Delattre, présidente du Parti Radical et Laurent Hénart à 11 heures, avec Eric Ciotti, président de l’UDR à midi, avec François Patriat, président du groupe RDPI au Sénat à 14h30, puis avec Maryse Carrère, présidente du groupe RDSE au Sénat à 15h30.
Othman Nasrou se rend à l’hôpital des enfants Croix-rouge de Margency à partir de 14h15 à l’occasion de “l’opération 17 Sourires pour Noël”.
Yaël Braun-Pivet s’entretient avec Afrim Gashi, président de l’Assemblée de la République de Macédoine du Nord.
Gérard Larcher s’entretient avec David Lisnard, président de l’AMF à 8 heures, puis avec Afrim Gashi, président de l’Assemblée de la République de Macédoine du Nord à 11h30.
Assemblée nationale : la commission des Finances auditionne Thomas Cazenave, ancien ministre délégué chargé des Comptes publics, dans le cadre des travaux menés sur les prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 à 9 heures. Jean-Noël Barrot est auditionné par la commission des Affaires étrangères à 17 heures sur la situation en Syrie.
Sénat : en séance publique à partir de 14h30, discussion du projet de loi spéciale. A 11 heures, la commission des Finances examine les amendements de séance sur le projet de loi spéciale, puis désigne des candidats pour faire partie de l’éventuelle CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi spéciale. A 14 heures, Lauriane Josende présente à la presse les conclusions de la mission d’information sur l’évolution institutionnelle de la Corse. La conférence des présidents se réunit à 18h30.
David Lisnard tient une réunion publique à Nice à 18h30 … Gabriel Attal est invité à la conférence des Amis du Crif … Meeting de lancement de la Ligne populaire, mouvement de Philippe Brun, à Saint-Denis … Soirée de lancement de la campagne de Pauline Rapilly Ferniot, candidate NFP à l’élection législative partielle dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine … La Cour de cassation tranche sur le pourvoi de Nicolas Sarkozy après sa condamnation dans l’affaire des écoutes.
MATINALES
7h15. France 2 : Patrice Duhamel, journaliste et écrivain.
7h20. RFI : Joude Jassouma, auteur.
7h30. Public Sénat : Loïc Hervé, sénateur UC de la Haute-Vienne.
7h40. TF1 : Marc Fesneau, président du groupe Les Démocrates à l’Assemblée nationale … France 2 : Dominique Schelcher, PDG de Coopérative U … RTL : Fabien Roussel, secrétaire national du PCF … RMC : Laurent Nuñez, préfet de police de Paris.
7h45. Franceinfo : Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône … Radio J : Erwan Balanant, député Les démocrates du Finistère.
7h50. France Inter : Laure Lavalette, députée RN du Var.
8h00. Public Sénat : Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes.
8h10. Europe 1/CNEWS : Sébastien Chenu, député RN du Nord.
8h15. France 2 : Yves Parlier, navigateur … Radio Classique : Philippe Dessertine, économiste … RMC : François Hommeril, président de la CFE-CGC.
8h20. France Inter : Eric Dupond-Moretti, ancien ministre de la Justice.
8h30. Franceinfo : François Hollande, député Socialiste de la Corrèze … BFMTV/RMC : Bruno Retailleau, ministre démissionnaire de l’Intérieur … Sud Radio : Eric Piolle, maire Les Ecologistes de Grenoble … LCI : Geneviève Darrieussecq, ministre démissionnaire de la Santé et de l’accès aux soins.
CARNET
AUJOURD’HUI DANS PARIS INFLUENCE : Le textile veut sauver sa collection printemps-été … Business France : une procédure ralentie, toujours les mêmes favoris … Comment le Pass culture finance-t-il son déficit chronique ? … Mobilités public-privé : l’AFCL rappelle le droit (et vos droits). C’est à 7h30 pour nos abonnés L’Observatoire de l’Europe Pro.
DANS LE JORF. Eric Thiers est nommé conseiller spécial au cabinet du Premier ministre.
MÉTÉO. De la pluie à Caracas, capitale du Venezuela dont le ressortissant et opposant Edmundo González Urrutia a reçu le prix Sakharov au Parlement européen hier.
ANNIVERSAIRES : Cédric O, ancien secrétaire d’Etat … Marietta Karamanli, députée Socialiste de la Sarthe … Nicole Dubré-Chirat, députée EPR du Maine-et-Loire … Sophie Ricourt Vaginay, députée UDR des Alpes-de-Haute-Provence.
PLAYLIST. Les proches de François Bayrou ont probablement dû écouter Alain Souchon qui Rame, hier.
Un grand merci à : Klara Durand, nos éditrices Zoé Courtois et Pauline de Saint Remy, Sofiane Orus Boudjema pour la veille et Catherine Bouris pour la mise en ligne.
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