Par ANTHONY LATTIER
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LE PÉCHÉ ORIGINEL. Barnier censuré, Bayrou à Matignon, l’Assemblée morcelée… vous vous demandez parfois comment nous en sommes arrivés là ? Notre livre sur la dissolution La surprise du chef est toujours en librairie et ferait — une suggestion comme ça — un chic cadeau à glisser sous le sapin, histoire de se rafraîchir la mémoire que l’on a souvent courte en politique. Bonjour à tous, nous sommes lundi 15 décembre, vous reprendrez bien un peu de consultations ?
GOUVERNEMENT BAYROU
MINUTE PAPILLOTE. Vous pourriez bien avoir avalé tous les chocolats de votre calendrier de l’Avent qu’un nouveau gouvernement n’aura toujours pas été nommé. A la question “y aura-t-il une nouvelle équipe cette semaine”, les proches de François Bayrou contactés hier se montraient en effet diablement prudents, quand bien même le nouveau Premier ministre “a une idée assez claire de ce qu’il veut faire”, selon l’un d’entre eux.
Wonderland. “Dans un monde idéal, ce serait avant Noël, mais ce sera difficile à tenir”, concédait un autre lieutenant. “On a un gouvernement qui peut expédier les affaires courantes, il n’y a pas lieu de se précipiter”, avançait pour sa part un troisième, alors que de premiers noms commencent à circuler sans qu’aucun ne soit confirmé.
Mauvais exemple. La garde rapprochée de Bayrou revendique en tout cas de faire tout l’inverse de ce qu’a fait l’Elysée avant sa nomination : ne surtout pas donner de calendrier précis. Et ainsi s’éviter d’avoir à tenir des délais impossibles.
TRI SÉLECTIF. Dans le même temps, François Bayrou entame ce matin une nouvelle phase de consultations, cette fois avec les présidents des groupes politiques de l’Assemblée, qu’il a contactés ce week-end en amont (tous n’ont pas répondu). Prenant, là aussi, le contre-pied des dernières consultations menées par Emmanuel Macron, le nouveau Premier ministre a invité à Matignon les responsables de tous les groupes.
Première à franchir les grilles de Matignon à 9 heures : Marine Le Pen — qui a jusqu’ici plutôt épargné François Bayrou.
Avec le RN, sans LFI. Les rendez-vous ont été calés en fonction du nombre de députés, et dans l’ordre décroissant : après Marine Le Pen et le RN, plus grand groupe de l’Hémicycle, Gabriel Attal (EPR), Boris Vallaud (PS) et Laurent Wauquiez (LR) se succéderont. L’Insoumise Mathilde Panot a annoncé hier qu’elle ne rendrait pas rue de Varenne, réitérant son refus de participer à un gouvernement ou de discuter d’un “accord de non-censure”.
Autre changement de méthode : ce sont uniquement les présidents des groupes politiques de l’Assemblée qui ont été invités. Pas ceux du Sénat, quand bien même Bayrou n’a pas autant d’alliés que Michel Barnier à la Chambre haute. Les patrons de partis politiques ne sont pas conviés non plus. Bayrou défend depuis juillet la nécessité de s’affranchir de la “logique des partis” pour sortir de l’impasse politique. Le message qu’il envoie : c’est surtout à la Chambre basse que se jouera la suite.
À noter que les responsables invités ont toutefois le droit de venir à Matignon avec qui ils veulent. D’où la présence de Jordan Bardella, président du RN, aux côtés de Marine Le Pen, ou encore de Patrick Kanner et d’Olivier Faure avec Boris Vallaud. Les chefs des groupes Ecologistes, Démocrates, Horizons, Liot, GDR et UDR seront, eux, reçus demain.
Sans condition. En s’affichant ouvert à tous, François Bayrou espère réussir là où Michel Barnier a échoué. Il faudra pour cela accepter le jeu du compromis sans fixer trop de conditions préalables. Les socialistes, d’accord pour faire des efforts, ont tout de même déjà menacé d’une censure en cas de nouvelle loi immigration, comme vous le racontait Dimanchissime hier. “On est à un moment de vérité. Si tout le monde ressort ses lignes rouges, le mistigri ira chez ceux qui les débitent” voulait croire un ami de Bayrou avec qui Playbook échangeait hier.
CABINET DE MATIGNON
CUISINE INTERNE. En parallèle, François Bayrou a commencé à constituer son cabinet. Pierre-Emmanuel Portheret, sous-préfet de Nantes, a travaillé tout le week-end avec le maire de Pau à Matignon. Ce très proche sera chef de cabinet, nous ont indiqué plusieurs sources, confirmant une information de La Lettre. C’était déjà son poste lors du passage très éphémère de Bayrou à la Chancellerie en 2017.
Autre fidèle, Eric Thiers, ancien de l’Elysée et du Haut commissariat au Plan, devrait occuper un poste de premier plan aux côtés du nouveau Premier ministre. Le directeur de cabinet devrait lui être annoncé dans les heures qui viennent.
Poisson-pilote. Très présent dans ces premières 72 heures aux côtés de François Bayrou, l’ancien ministre de l’Agriculture Marc Fesneau va probablement rester à la présidence du groupe MoDem à l’Assemblée. Le poste est très politique et beaucoup — lui le premier — jugent qu’il y serait plus utile que dans un ministère.
À la com. Depuis la nomination de Bayrou, le communicant Régis Lefebvre, proche du Palois, est aussi de la partie, a appris Playbook. Mais ce n’est qu’un “coup de main ponctuel” qu’il donne à Bayrou, nous écrivait un cadre du Modem. Le même assurait que Lefebvre ne devrait pas prendre la tête du pôle communication. Déjà en poste sous Michel Barnier, le conseiller presse Lionel Teixeira qui travaillait avec Bayrou au Haut commissariat au Plan poursuivra, lui, l’aventure.
PROJET DE LOI SPÉCIALE
L’IR DE VÉRITÉ. Approuvé à l’unanimité en commission des Lois, le projet de loi spéciale poursuit son parcours législatif express à partir de 16 heures dans l’Hémicycle de l’Assemblée, avant son passage au Sénat demain et après-demain.
Pour ceux qui hibernent : le “PLS” est un texte minimaliste et capital qui permettra à l’Etat de continuer de fonctionner, notamment en prélevant les impôts, jusqu’à ce qu’un vrai budget soit voté.
¨Comme Playbook vous l’écrivait vendredi, l’enjeu n’est pas tant de savoir si le texte sera adopté, mais si les députés parviendront à y ajouter d’autres dispositions par voie d’amendements. Les groupes du NFP et ceux d’extrême droite aimeraient en particulier indexer sur l’inflation les barèmes de l’impôt sur le revenu pour éviter que des millions de Français paient plus d’“IR” (conséquence de l’absence de budget voté pour 2025).
Mais mais mais dans les couloirs de l’Assemblée, beaucoup s’attendent à ce qu’avant la séance, la présidente Yaël Braun-Pivet déclare les amendements qui font cette proposition irrecevables. Le Conseil d’Etat tout comme le président du Sénat Gérard Larcher jugent en effet la mesure anticonstitutionnelle, car débordant du champ du projet de loi spéciale. Nul doute que la question animera les débats.
Le PJL facile. Eric Coquerel et Charles de Courson, duo de la commission des Finances, veulent avancer vite sur les points budgétaires qui font consensus. Ils ont ainsi écrit conjointement dès samedi au nouveau PM pour lui demander de présenter rapidement un “projet de loi portant diverses dispositions économiques, financières et sociales”. Au menu de ce qui, d’après eux, pourrait passer crème au Parlement sans attendre le périlleux budget 2025 : l’extension du prêt à taux zéro, l’exonération des pourboires, ou encore des mesures proagricoles… et l’indexation des barèmes de l’IR.
AUSSI DANS L’ACTU
SCÈNE DE MÉNACHÉ. La députée RN de la Somme Yaël Ménaché a écopé d’une amende lors d’un contrôle routier de gendarmerie le 14 décembre à 3 heures du matin, a appris votre infolettre de source proche du dossier.
Motif de la verbalisation : l’assurance du véhicule dont elle est propriétaire n’était plus valide. L’élue s’est défendue en affirmant qu’elle était assurée seulement depuis le matin même. L’explication n’a pas convaincu les gendarmes.
Carte et grise. D’après le rapport de gendarmerie, Yaël Ménaché, qui a déclaré avoir consommé de l’alcool, “a adopté un comportement verbal irrespectueux en faisant preuve de mauvaise foi envers les militaires”. Ménaché a aussi dégainé sa carte de députée, certifiant à la maréchaussée que son statut lui accordait une immunité parlementaire.
MERCOSUR
PAS SI SÛRE. Dans sa croisade contre le Mercosur, Paris se réjouissait d’avoir trouvé en Rome une alliée de poids. La Première ministre italienne Giorgia Meloni avait pu, en effet, paraître alignée ces dernières semaines sur la position d’Emmanuel Macron.
Plot twist. Mais, selon des connaisseurs du dossier et des experts avec qui mon collègue Giorgio Leali a échangé, l’Italie n’a pas encore pris sa décision sur cet accord commercial entre l’UE et cinq pays d’Amérique latine, et Meloni pourrait bien finir par l’approuver lorsqu’il sera soumis au vote des pays membres de l’UE. Le ministre italien de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, a d’ailleurs laissé entendre la semaine dernière que l’Italie y était prête en échange de concessions, comme sur le fonds de compensation pour les agriculteurs révélé par L’Observatoire de l’Europe.
Double jeu à double intérêt. Par ce scepticisme affiché, Giorgia Meloni satisfait d’une part le lobby agricole italien et d’autre part sa base électorale de droite souverainiste, pas emballée par l’accord de libre-échange. Le flou entretenu par l’Italienne lui permet aussi de renforcer sa position de force au sein de l’UE en apparaissant comme celle qui, à Bruxelles, peut faire pencher la balance sur l’accord.
C’est bon pour moi. La Première ministre italienne reste décisive dans les dossiers européens tels que celui-ci. “Elle joue la montre et essaie de garder un pied dans chaque camp”, observe l’analyste italien Alberto Rizzi, pour qui l’Italie a beaucoup à gagner dans cet accord commercial. Mon collègue Giorgio Leali explique plus en détail les raisons de ce flou dans cet article (en anglais).
MELONI LAISSE LA PLACE. Présente hier au raout annuel de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni a par ailleurs annoncé se mettre en retrait de la présidence du groupe ECR, dont le poids politique est bien plus important à la suite des dernières élections européennes. Elle a dit vouloir que son successeur puisse se consacrer “à temps plein” à ce poste, indiquant au passage sa préférence pour l’ancien premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
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AUSSI À L’AGENDA
François Bayrou commence ses consultations avec les présidents des groupes politiques de l’Assemblée. Il reçoit Marine Le Pen et Jordan Bardella à 9 heures, Gabriel Attal à 10 heures, Olivier Faure, Patrick Kanner et Boris Vallaud à midi puis Laurent Wauquiez à 14h30.
Bruno Retailleau et François-Noël Buffet sont en déplacement à Mayotte, accompagnés de Thani Mohamed-Soilihi. Jean-Noël Barrot se rend à Bruxelles pour le Conseil Affaires étrangères. Agnès Pannier-Runacher est à Bruxelles pour le Conseil Energie, en marge duquel elle participe à la réunion de l’Alliance du nucléaire à 8h30 et au Green Growth Summit à 15h25.
Yaël Braun-Pivet s’entretient avec cinq personnes tirées au sort dans le cadre de ses Permanences citoyennes.
Assemblée nationale : en séance publique, discussion du projet de loi spéciale autorisant à percevoir les impôts à 16 heures puis à 21h30. En commission des Finances à 15h30, examen des amendements au même projet de loi.
Premier jour d’une session plénière du Parlement européen à Strasbourg.
MATINALES
7h15. France 2 : Alexandre Jouassard, porte-parole de la Sécurité Civile.
7h20. RFI : Nathalie Loiseau, eurodéputée, secrétaire nationale du parti Horizons.
7h30. Public Sénat : Rémi Féraud, sénateur PS de Paris, candidat à la mairie de Paris.
7h40. TF1 : Manuel Bompard, coordinateur national de LFI … France 2 : Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme … RTL : Roland Lescure, député EPR de Français établis hors de France … RMC : Alexandre Jouassard, porte-parole de la Sécurité Civile et Salama Ramia, sénatrice RDPI de Mayotte.
7h50. France Inter : Adèle Haenel, comédienne.
8h00. Public Sénat : Jérôme Fourquet, politologue.
8h10. Europe 1/CNEWS : Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France.
8h15. France 2 : Patrick Coulombel, cofondateur de la fondation Architectes de l’urgence … Radio Classique : Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre … RMC : Eric Camous, procureur de la République de Narbonne.
8h20. France Inter : Lionel Jospin, ancien Premier ministre.
8h30. Franceinfo : Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes … BFMTV/RMC : Thierry Breton, ancien commissaire européen … Sud Radio : Prisca Thevenot, députée EPR des Hauts-de-Seine … LCI : Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
CARNET
AUJOURD’HUI DANS PARIS INFLUENCE : En bas d’un Himalaya criblé de dettes, François Bayrou cherche ses aventuriers … Le projet de loi spéciale prêt à passer le col parlementaire … La lettre de la dernière chance des candidats boursiers aux grands concours de la fonction publique. C’est à 7h30 pour nos abonnés L’Observatoire de l’Europe Pro.
DANS LE JORF.
MÉTÉO. Grand soleil à Pau, où la chaise du maire risque d’être bien vide pendant le conseil municipal aujourd’hui.
ANNIVERSAIRES : Sophie Panonacle, députée EPR de la Gironde … Caroline Parmentier, députée RN du Pas-de-Calais.
PLAYLIST. A Thousand Miles From Nowhere, de Dwight Yoakam.
Un grand merci à : nos éditrices Zoé Courtois et Pauline de Saint Remy, Sofiane Orus Boudjema pour la veille et Catherine Bouris pour la mise en ligne.
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