PARIS — Les syndicats de travailleurs des studios Don’t Nod et Ubisoft appellent l’ensemble du secteur du jeu vidéo français à une grève massive le 12 décembre, a appris L’Observatoire de l’Europe d’une source parlementaire.
Une date symbolique, puisque ce sera le jour des négociations sur le plan de sauvegarde de l’emploi entre la direction de Don’t Nod — qui prévoit de supprimer 69 postes en France — et le Syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV ). Un piquet de grève se tiendra devant les locaux du studio.
Les représentants des salariés craignent que les deux entreprises invoquent la « manque de visibilité » politique pour lancer leurs plans de restructuration, annoncés à l’automne. «Le premier qui met à exécuter sa stratégie provoque un effet boule de neige sur l’ensemble des studios français», assure, inquiet, un membre du STJV.
Sollicitée par L’Observatoire de l’Europe, la direction de Don’t Nod déclare simplement poursuivre « les négociations avec les représentants des salariés ».
Du côté du patronat, la chute du gouvernement Barnier et la mise sur pause de l’examen du budget 2025, qui prorogeait le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV) jusqu’en 2031, est un coup dur. Et cela pourrait être une bonne raison pour dégraisser, face à la crise économique qui s’annonce.
« Si l’absence d’aides publiques empêche notre industrie de tenir, c’est peut-être aux patrons de se remettre en question », déplore un membre du STJV auprès de L’Observatoire de l’Europe.
Chez Don’t Nod notamment, la majorité des salariés en veut à la direction de ne pas l’avoir écoutée au moment où elle alertait sur « la stratégie d’entreprise et l’organisation chaotique » des productions. « Aujourd’hui, ce sont leurs salariés qui en paient le prix », conclut le STJV.
Le secteur peut néanmoins compter sur de précieux appuis politiques. En première ligne : le sénateur communiste Fabien Gay, qui a d’ores et a déjà apporté son soutien aux grévistes.
Après de L’Observatoire de l’Europe, il annonce lancer une commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques par les grandes entreprises, comme Ubisoft, Don’t Nod, ou encore Auchan. Son groupe exercera son droit de tirage le 18 décembre pour ouvrir les enquêtes. Les travaux devraient débuter en 2025 et dureront six mois.
Concernant les studios, il s’agira de comprendre l’usage qui est fait du crédit d’impôt jeu vidéo, qui leur permet de déduire de leurs impôts une partie des coûts de production d’un jeu vidéo. Et « d’attirer les investisseurs », nous glissions il y a quelques semaines Vanessa Kaplan, la déléguée générale du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), qui représente les studios.
Reste une autre mauvaise nouvelle pour le secteur : le départ probable de la ministre de la Culture, Rachida Dati. Lors de la Paris Games Week en septembre, cette dernière s’était présentée comme une nouvelle marraine « rassurante » pour le jeu vidéo. « Elle semblait avoir compris l’intérêt de nous soutenir », se désole une autre source syndicale, qui se voit déjà « tout recommencer » auprès d’une nouvelle équipe ministérielle.
L’article a été modifié pour ajouter des détails sur la commission d’enquête.