Le film français « L’Histoire de Souleymane » suit la vie d’un demandeur d’asile sans papiers. Il a également attiré l’attention sur la situation réelle du protagoniste du film, Abou Sangaré, qui est toujours menacé d’expulsion – bien qu’il soit un acteur primé.
En vous promenant dans les villes françaises au cours de la semaine dernière, vous auriez eu du mal à ne pas croiser Abou Sangaré, dont le visage était placardé aux coins des rues, aux arrêts de bus, aux stations de métro et aux journaux.
Cet immigré guinéen de 23 ans joue le rôle principal dans L’histoire de Souleymaneun long métrage acclamé qui sort cette semaine dans les salles françaises et qui a remporté deux prix au Festival de Cannes, dont celui de Sangaré du meilleur acteur en compétition « Un Certain Regard ».
Dans le film, Sangaré incarne un jeune demandeur d’asile naviguant dans la vie de livreur à Paris, se préparant à déposer sa demande de statut légal en France. Ce récit résonne profondément avec la propre réalité de Sangaré ; à l’image du rôle qu’il occupe à l’écran, il fait appel aux autorités françaises pour qu’elles lui accordent le droit de séjour et abandonnent leurs efforts pour le faire partir.
Le succès de L’histoire de Souleymane arrive à un moment charnière en France, où le nouveau gouvernement adopte une ligne plus dure à l’égard de l’immigration irrégulière – s’engageant à rendre plus difficile le séjour des immigrants sans statut légal permanent et à faciliter leur expulsion par la France.
« Quand je vois Souleymane assis à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, je me mets à sa place, car je sais ce que c’est d’attendre ses papiers ici en France, pour se retrouver dans cette situation – le stress, l’anxiété », a déclaré Sangaré à l’Associated Press dans une interview.
« Comme moi, Souleymane se retrouve dans un environnement qu’il ne connaît pas », dit-il.
Le voyage de Sangaré vers la France a commencé lorsqu’il a quitté la Guinée à l’âge de 15 ans en 2016 pour soutenir sa mère malade. Son chemin l’a conduit à travers l’Algérie et la Libye, où il a été emprisonné après une tentative ratée de traversée de la Méditerranée. Après avoir rejoint l’Italie, il arrive finalement en France en mai 2017.
Malgré le refus de ses efforts pour être reconnu comme mineur, Sangaré a persévéré. Il s’inscrit au lycée et finit par suivre une formation de mécanicien automobile, une compétence recherchée en France. Récemment, il a obtenu un poste à temps plein dans un atelier à Amiens, dans le nord de la France, où il vit depuis sept ans et, comme par hasard, le président français Emmanuel Macron a également grandi.
Mais jusqu’à ce que la presse française rapporte vendredi que Sangaré avait finalement obtenu un visa temporaire de six mois, il n’a pas pu accepter le poste.
Son agent a déclaré aux médias que Sangaré était « soulagé » mais « bien conscient » que son calvaire en matière d’immigration est loin d’être terminé.
Auparavant, Sangaré ne pouvait pas accepter ce poste en raison de son statut illégal. Il avait demandé trois fois sans succès des papiers et vivait avec un ordre d’expulsion au-dessus de la tête – un cycle qui semble voué à se répéter en l’absence de papiers permanents.
Les critiques affirment que les ordres d’expulsion ont été de plus en plus utilisés par les gouvernements successifs.
« Nous sommes le pays d’Europe qui produit (le) plus de procédures d’expulsion, loin devant les autres pays », estime Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble, en commentant les plus de 130 000 expulsions ordonnées en 2023.
Slama estime que leur utilisation est « très inefficace », car de nombreuses ordonnances ne sont pas ou ne peuvent pas être exécutées pour des raisons juridiques.
Selon le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, nommé le mois dernier dans le nouveau gouvernement conservateur et centriste français, environ 10 % des personnes visées par l’expulsion finissent par partir.
Il souhaite que davantage d’immigrés sans statut légal permanent soient détenus dans des centres de détention – et pour plus longtemps – et exhorte les autorités régionales à durcir ces mesures. En diminuant les facteurs « d’attraction » pour les étrangers cherchant à rejoindre la France, il affirme également vouloir rendre le pays « moins attractif », notamment en réduisant les prestations sociales qui leur sont accordées.
Mathilde Buffière, qui travaille auprès des immigrés dans les centres de rétention administrative au sein de l’association Groupe SOS Solidarités, constate une tendance inquiétante : les fonctionnaires consacrent « de moins en moins de temps » à l’examen des demandes de séjour avant de placer les individus en détention.
Pour Abou Sangaré, l’année dernière a marqué un tournant lorsqu’il a croisé la route du cinéaste Boris Lojkine. Après plusieurs auditions, Sangaré décroche le rôle principal dans L’histoire de Souleymane.
Les courriels envoyés par des représentants du gouvernement après Cannes, invitant Sangaré à renouveler sa demande de résidence, pourraient être encore plus significatifs que ces récompenses.
Si les autorités françaises ont confirmé à l’AP que l’arrêté d’expulsion contre l’acteur « reste légalement en vigueur », elles ont indiqué que son cas était en cours de réexamen en raison de ses efforts d’intégration dans la société.
« Je pense que le film a fait cela », a déclaré Sangaré à l’AP, « Vous avez besoin d’un permis de séjour pour pouvoir changer de vie ici. Ma vie changera le jour où j’aurai mes papiers.