Suite aux meurtres de Samuel Paty et Dominique Bernard, les inquiétudes à l’échelle nationale concernant la sécurité des enseignants en France ont augmenté ces dernières années.
Dans les années qui ont suivi les assassinats tragiques des professeurs de français Samuel Paty et Dominique Bernard, le nombre d’éducateurs demandant la protection de l’État a fortement augmenté.
Selon des données récentes du ministère français de l’Éducation nationale, le nombre de demandes de protection fonctionnelle – couvrant les frais juridiques, l’accompagnement médical et l’assistance juridique – a plus que doublé, passant de 2 218 en 2020 à 4 948 en 2023.
Samuel Paty, professeur d’histoire et de géographie, a été décapité en octobre 2020 après avoir montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet réalisées par le journal français Charlie Hebdo lors d’un cours sur la liberté d’expression.
Son assassinat a choqué la nation et a mis en lumière les dangers auxquels sont confrontés les enseignants qui abordent des sujets sensibles en classe. Paty avait reçu de nombreuses menaces avant son assassinat, mais bien qu’il les ait signalées, la protection dont il avait besoin est arrivée trop tard.
Il y a tout juste un an, en octobre 2023, Dominique Bernard, un autre enseignant, était tué dans un attentat islamiste. Selon Martin-Roch Doussau, professeur de philosophie dans le même lycée, le tueur recherchait un « professeur d’histoire », ce qui fait penser directement à Paty, qui enseignait également l’histoire et a été tué trois ans auparavant.
La mort de Bernard a encore mis en lumière les risques auxquels sont confrontés les enseignants en France, en particulier ceux qui abordent des questions sociales et culturelles complexes.
Les deux meurtres ont suscité des débats nationaux sur la sécurité des éducateurs et le rôle de l’État dans leur protection.
Protection fonctionnelle : une sauvegarde sous-utilisée
La protection fonctionnelle, qui remonte à la loi Le Pors de 1983, donne droit aux fonctionnaires, y compris les enseignants, à un soutien juridique, médical et financier lorsqu’ils sont confrontés à des menaces ou à des violences dans le cadre de leurs fonctions.
Dans le cas des enseignants, cette protection peut être utilisée en cas d’agression verbale ou physique, de diffamation, de harcèlement ou de menaces juridiques. Cependant, il est resté inutilisé pendant de nombreuses années, et de nombreux éducateurs ne connaissaient pas cette option.
Les meurtres de Paty et Bernard, ainsi que les menaces qui ont suivi contre les enseignants, ont fait connaître et utiliser davantage la protection fonctionnelle.
Guislaine David, secrétaire générale du plus grand syndicat d’enseignants du primaire de France, a noté qu’après la mort de Paty, les enseignants ont été activement encouragés à demander protection chaque fois qu’ils faisaient face à des menaces.
Malgré cela, de nombreux éducateurs hésitent encore à profiter de cette garantie, soit par manque de sensibilisation, soit par crainte que leurs demandes ne soient pas prises au sérieux.
Forte hausse des demandes de protection
Depuis les décès tragiques de Paty et Bernard, on constate une augmentation significative du nombre de demandes de protection fonctionnelle.
Selon les rapports du ministère de l’Éducation, en 2021, 3 211 demandes ont été déposées, soit une augmentation de 45 % par rapport à l’année précédente. En 2023, ce nombre était passé à 4 949, soit une augmentation de 123 % par rapport à 2020.
Le principal motif invoqué pour justifier ces demandes était des menaces à l’intégrité physique, telles que des agressions verbales ou physiques. Notamment, 82,6 % de ces demandes ont été approuvées, apportant ainsi un soutien aux éducateurs confrontés à un danger.
En octobre, la ministre de l’Éducation Anne Genetet a annoncé son intention d’étendre la capacité de l’État à assurer une protection fonctionnelle.
Une proposition clé consiste à permettre au ministère de l’Éducation de déposer des plaintes juridiques au nom des enseignants menacés, ce qui pourrait supprimer certaines des charges administratives qui découragent les éducateurs de demander de l’aide.
Les écoles de toute la France observeront lundi une minute de silence pour honorer la mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard.