Rescue workers evacuate a person as the Aa river floods Arques, northern France, Thursday, 4 January , 2024.

Jean Delaunay

4°C de plus à Paris et 2,2 m de dénivelé sur le chemin des inondations : les conditions climatiques extrêmes en France ne font qu’empirer

Les auteurs du rapport espèrent qu’il pourra servir de feuille de route aux autorités locales pour s’adapter et accélérer la transition verte.

Des sécheresses, des inondations et une augmentation des températures de 4°C devraient frapper la France à mesure que le changement climatique s’installe.

Un nouveau rapport d’un réseau d’organisations environnementales montre comment la crise climatique est déjà à l’œuvre en France – et comment elle va continuer à s’aggraver.

Il identifie les effets qui constituent la plus grande menace pour chacune des 18 régions administratives du pays – 13 en France et 5 outre-mer.

« Les impacts du changement climatique sont divers comme les paysages de France et ne s’expriment pas de la même manière dans toutes les régions », peut-on lire dans le rapport.

L’étude révèle que tous subissent déjà les effets néfastes du changement climatique, mais que chacun d’entre eux présente ses propres vulnérabilités.

Nouvelle-Aquitaine et Pyrénées : sécheresse et inquiétude sur les ressources en eau en France

La sécheresse est une préoccupation majeure dans toute la France. Le rapport met en garde contre une aggravation des tensions entre ménages, agriculture et industrie qui se disputent les ressources. Certaines projections montrent que le débit de la Loire pourrait par exemple diminuer de moitié dans les années à venir.

La plus grande région française, la Nouvelle-Aquitaine, est composée d’environnements très divers, allant de vastes étendues forestières à de longs littoraux, en passant par les montagnes des Pyrénées et le Massif central. Cela signifie que 3,9 millions de personnes, soit 69 % de la population régionale, sont exposées à au moins un risque climatique.

Le changement climatique d’origine humaine prolonge les sécheresses dans le sud de la France, ce qui signifie que les réservoirs sont de plus en plus vidés à des niveaux inférieurs.
Le changement climatique d’origine humaine prolonge les sécheresses dans le sud de la France, ce qui signifie que les réservoirs sont de plus en plus vidés à des niveaux inférieurs.

Parmi celles-ci, la sécheresse est celle qui touche le plus grand nombre de personnes. Depuis 1950, les précipitations ont diminué et les températures ont augmenté. La région a connu des épisodes de sécheresse en 2018, 2019, 2021 et, le pire de tous, en 2022, qui a battu tous les records. Ce fut l’année la plus chaude jamais enregistrée dans la région avec plus de 70 jours au-dessus de 30°C et une sécheresse qui a débuté au printemps et a duré plusieurs mois.

Rendue plus probable par le changement climatique, la sécheresse aggrave également un certain nombre d’autres risques plus pressants dans différentes régions. Un temps extrêmement sec augmente le risque d’incendies de forêt dans les zones fortement boisées, dégrade les sols et provoque des inondations dans d’autres et exerce une pression supplémentaire sur des ressources agricoles déjà sous pression.

Paris : les chaleurs extrêmes ont le plus d’impact sur les villes

Les villes comme Paris sont particulièrement vulnérables aux fortes chaleurs. En moyenne, la France connaît un réchauffement d’environ 1,9°C, mais les politiques climatiques actuellement en vigueur pourraient la faire dépasser les 4°C d’ici 2100.

Les régions Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur sont les premières touchées par des températures extrêmes.

Si les émissions de gaz à effet de serre continuent sur leur trajectoire actuelle, l’Ile-de-France devrait connaître 30 jours de canicule par an et des températures pouvant atteindre 50°C d’ici 2050. L’urbanisation rapide rend la région particulièrement vulnérable car les matériaux comme le béton, la pierre et le métal absorbent et retiennent la chaleur. Cela crée ce que l’on appelle l’effet d’îlot de chaleur urbain. Les températures ont déjà augmenté en moyenne de 2°C depuis le milieu du XXe siècle.

Les gens se rafraîchissent dans les fontaines du Trocadéro à Paris.
Les gens se rafraîchissent dans les fontaines du Trocadéro à Paris.

Cette chaleur a des conséquences mortelles, Paris étant considérée comme l’une des villes européennes présentant le risque relatif le plus élevé dans une étude du Lancet Planetary Health sur la surmortalité attribuée à la chaleur.

Si ces régions fortement urbanisées sont les plus exposées, c’est le cas de toutes les grandes villes françaises.

Les inondations mettent en danger 2,2 millions de personnes dans les Hauts-de-France

Dans le nord, les Hauts-de-France sont les plus menacés par les inondations extrêmes, avec 6 communes sur 10, soit 2,2 millions d’habitants, menacées. Des inondations à répétition ont frappé la région en novembre 2023, avec l’équivalent de trois mois de pluie tombés en deux semaines, impactant 244 communes et 450 000 habitants.

La modification des sols due à l’urbanisation les rend vulnérables à l’augmentation rapide des précipitations. À Boulogne-sur-Mer, par exemple, les précipitations ont augmenté de 29,3 mm par décennie depuis les années 1950.

Le rapport indique également que les épisodes de pluies sont plus concentrés et se déroulent sur des périodes plus courtes. Moins de pluies en été entraînent des sécheresses et une dégradation des sols, alors que plus de pluies en hiver entraînent des épisodes plus extrêmes et augmentent le risque d’inondations.

L’élévation du niveau de la mer rend également les régions côtières des Hauts-de-France particulièrement vulnérables.

Montée du niveau de la mer et érosion côtière en Bretagne

L’impact climatique le plus pressant en Bretagne, qui représente un tiers du littoral français, est la menace de la montée du niveau de la mer.

À Brest, le niveau de la mer a augmenté de 20 cm depuis 1900, dont environ 13 cm depuis 1970.

Le taux d’élévation des températures s’accélère et continuera de le faire, quel que soit le scénario futur des émissions de gaz à effet de serre. Limiter le réchauffement climatique à 2°C pourrait permettre à la région de gagner du temps. Avec un réchauffement de 2°C, le niveau de la mer pourrait augmenter de deux mètres avant 2300. Si les émissions continuent d’augmenter, le niveau pourrait augmenter d’un mètre d’ici la fin du siècle et de deux mètres d’ici 2150.

L’élévation du niveau de la mer s’accompagne d’une menace supplémentaire d’érosion côtière. Près de 130 000 personnes de la région sont déjà menacées par la submersion, notamment à Saint-Malo, où 25 000 habitants vivent sous le niveau de la mer.

« La forte exposition et la forte vulnérabilité de nos littoraux au changement climatique sont bien établies et ces effets ne peuvent donc que s’aggraver avec l’élévation du niveau de la mer » comme le rapporte le Haut Conseil de Bretagne pour le Climat dans son rapport annuel 2024.

Un « aperçu » du futur potentiel de la France

Ce n’est qu’un avant-goût des détails contenus dans le rapport de 100 pages. Publié le 19 septembre par le Réseau Action Climat (RAC) en partenariat avec l’Agence de la transition écologique (Ademe), ses auteurs décrivent précisément comment les risques climatiques spécifiques impactent chaque région de France et comment ils pourraient s’aggraver à l’avenir.

Climat France Un pompier pulvérise de l'eau pour éteindre les restes d'incendies dans une forêt brûlée, à Hostens, au sud de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France.
Climat France Un pompier pulvérise de l’eau pour éteindre les restes d’incendies dans une forêt brûlée, à Hostens, au sud de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France.

Ces projections s’appuient sur les scénarios de réchauffement climatique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Elles s’appuient également sur des données détaillées de Météo-France, du Haut Conseil du climat, de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et de groupes régionaux d’experts climatologiques.

Les auteurs du rapport affirment que même si leur analyse ne montre pas l’avenir, elle « nous donne un aperçu » d’un monde où les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites.

« Ils (les scénarios) confirment l’urgence d’agir vite, car les conséquences de ces scénarios du « pire » seraient dramatiques. »

Les autorités locales ont besoin de plus d’argent pour s’adapter

Malgré les recommandations du Haut Conseil pour le Climat, il n’existe pas d’évaluation officielle récente des risques et vulnérabilités climatiques du pays, donnant des scénarios pour chaque région.

Le RAC espère qu’en plus d’encourager l’action du gouvernement, le rapport pourra devenir un outil essentiel pour aider les autorités locales à faire face aux menaces régionales et à accélérer la transition verte.

Mais cela nécessite de l’argent. L’Institute for Climate Economics estime que les collectivités locales ont investi environ 8,4 milliards d’euros par an dans la transition écologique. Pour atteindre les objectifs climatiques actuels, il faudrait plus que doubler ce montant pour atteindre 19 milliards d’euros par an. Cela implique d’employer 25 000 personnes à temps plein sur des postes dédiés aux projets climatiques.

Un fonds de transition verte a été présenté par l’ancien gouvernement comme le principal levier de financement de la transition écologique locale.

Moins d’un an après l’annonce, il a déjà été abaissé à deux reprises. Il est passé de 2,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024 à 2 milliards d’euros en février – un montant « protégé » selon le ministre de la Transition écologique – puis ramené à 1 milliard d’euros pour 2025.

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