La nomination d’un Premier ministre ne suffira pas à résoudre la crise politique actuelle. Le candidat choisi par Macron devra ensuite survivre à une motion de censure au Parlement.
Deux mois après le second tour des élections législatives anticipées, le président français Emmanuel Macron n’a toujours pas nommé le futur Premier ministre du pays.
L’Assemblée nationale est actuellement divisée en trois blocs presque égaux : la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP), le groupe centriste de Macron et le Rassemblement national d’extrême droite.
Toutes les parties ont clairement indiqué une chose : aucune d’entre elles ne souhaite former une coalition avec l’un des autres partis.
Mais aucun de ces trois blocs ne peut atteindre la majorité absolue de 289 sièges sans le soutien d’au moins une partie d’un autre camp.
« Macron est dans un dilemme et ne parvient pas à trouver quelqu’un qui puisse rassembler suffisamment de voix pour porter l’Assemblée nationale et unifier le centre. C’est pourquoi il passe par plusieurs candidats différents », a déclaré à L’Observatoire de l’Europe Hall Gardner, professeur émérite de politique internationale à l’Université américaine de Paris.
Mais la nomination d’un Premier ministre est l’une des premières étapes de ce processus périlleux. Le futur chef du gouvernement devra ensuite survivre à une motion de censure des 577 députés.
« Emmanuel Macron s’est mis en position de responsabilité puisqu’il a dit qu’il trouverait un Premier ministre qui survivrait à une motion de censure. Si son Premier ministre était renversé, ce serait un échec qui lui serait directement imputable », estime Emmanuel Rivière, politologue et spécialiste des sondages.
« La meilleure chose que Macron aurait pu faire aurait été de dire aux différents blocs de se débrouiller entre eux. »
« Ce qui est frappant, c’est que ce sont des discussions bilatérales que le président a. Dans n’importe quelle autre démocratie européenne, ça ne marche pas comme ça. Les discussions auraient eu lieu entre groupes politiques. Cela aurait fait une grande différence. Mais aujourd’hui, je pense qu’il est un peu tard pour tenter cette option pour Macron », a déclaré Rivière.
Qui sont les différents candidats jusqu’à présent ?
Plusieurs noms circulent ces derniers jours, dont celui de Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre socialiste de François Hollande. Ce dernier a pourtant déclaré vouloir abroger la controversée réforme des retraites de Macron, une ligne rouge pour le camp présidentiel.
Xavier Bertrand, homme politique conservateur de droite, est également sur la liste. Cependant, le Rassemblement national, dirigé par Marine Le Pen, a déjà annoncé que son parti voterait contre lui et renverserait un gouvernement dirigé par Bertrand.
Autre option : Thierry Beaudet, fonctionnaire méconnu et président du Conseil économique, social et environnemental français.
« Sur le papier, il a l’air bien en tant que technocrate, mais il n’a pas l’expertise politique nécessaire pour gérer un parlement aussi divisé », a déclaré le professeur Gardner.
Depuis mercredi, le conservateur Michel Barnier est le dernier prétendant au poste. Il a été deux fois commissaire européen et, entre 2016 et 2021, négociateur en chef de l’UE pour le Brexit.
Combien de temps encore Macron peut-il attendre ?
En 2017, Macron s’est décrit comme celui qui est en charge ultime de toute la quatrième dimension du temps lors d’une interview avec la chaîne de télévision France 2.
« Je resterai le maître des horloges, vous (les médias) devrez vous y habituer, j’ai toujours fait comme ça », a-t-il déclaré aux journalistes.
Aujourd’hui, il semble que le maître des horloges laisse filer le temps. Bien que la Constitution autorise le chef de l’État à prendre son temps pour nommer un Premier ministre, deux échéances cruciales approchent.
La France doit soumettre à l’UE ses propositions de réduction des dépenses publiques d’ici le 20 septembre, mais ce délai peut être prolongé jusqu’en octobre.
Pour se conformer aux règles de l’UE, la France devrait procéder à des réductions d’au moins 30 milliards d’euros en 2025.
En juin dernier, la Commission européenne avait formellement mis en garde la France contre ses déficits budgétaires excessifs.
Et en plus de cela, le plan budgétaire 2025 du pays doit être présenté à l’Assemblée nationale le 1er octobre.