German Chancellor Olaf Scholz, center, German Minister for Economic Affairs and Climate Protection Robert Habeck, left, and German Minister of Finance Christian Lindner.

Jean Delaunay

Analyse : la réduction de l’aide militaire allemande à l’Ukraine aura un impact majeur

L’Allemagne a réduit de moitié son aide militaire à l’Ukraine en 2025 par rapport à 2024, dans son projet de budget pour la nouvelle année.

Le gouvernement allemand ne prévoit d’allouer que quatre milliards d’euros dans le budget 2025, soit près de la moitié des 7,5 milliards d’euros qu’il avait alloués cette année.

Le projet de budget finalisé vendredi dernier par le gouvernement de coalition après de longues négociations sera désormais examiné par le Parlement allemand.

Si cette réduction se confirme, le chercheur en défense Alain de Neve de l’Académie royale militaire de Belgique prévient que l’impact ne sera pas négligeable.

« Cela aura évidemment un impact, notamment en termes financiers. Concernant l’aide militaire concrète en termes de matériels fournis, on voit que la Pologne devance l’Allemagne à ce niveau. On voit bien que ce sont les pays voisins de l’Ukraine qui participent le plus (à cette aide). Il faut aussi noter le cas particulier du Royaume-Uni, qui contribue aussi beaucoup plus que la France, l’Espagne ou l’Italie », a-t-il expliqué dans un entretien à L’Observatoire de l’Europe.

Depuis 2022, l’UE et ses États membres ont fait don de 38 milliards d’euros d’aide militaire, dont 28 milliards d’euros provenant de l’Allemagne.

L’aide allemande a principalement pris la forme de « fonds pour l’initiative de renforcement des capacités de sécurité », en plus de cinq milliards d’euros d’équipements militaires envoyés par ses forces armées.

Avoirs russes gelés

Le G7, qui réunit les sept plus grandes économies mondiales, discute de la possibilité d’utiliser une partie des 300 milliards de dollars d’avoirs russes gelés pour fournir à l’Ukraine du matériel militaire.

Toutefois, les détails politiques et techniques qui seront discutés par les dirigeants du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis ne seront pas faciles à régler, estime Alain de Neve : « Non, cela ne pourrait pas vraiment constituer une ressource durable pour soutenir les Ukrainiens dans leur résistance contre la Russie ».

« Il faut bien comprendre que ces quelque 300 milliards de dollars devront être répartis à terme entre plusieurs pays. Et c’est au G7 que la question sera débattue et négociée. On ne sait pas encore quelle enveloppe sera allouée aux différents Etats. On ne sait même pas s’il y aura un accord pour mobiliser cette réserve. Et encore une fois, cette réserve sera unique. Ce ne sera pas une mesure structurelle qui pourra être mise en place à long terme », a-t-il ajouté.

La question est-elle : l’Europe peut-elle assurer le contrôle de la situation actuelle ? Il est très difficile d’imaginer cela.

Alain de Neve

Enquêteur de la Defesa, Real Academia Militar da Belgica

Seuls les États-Unis accordent à l’Ukraine une aide militaire supérieure à celle de l’Allemagne, mais le pays doit tenir des élections en novembre.

L’administration démocrate actuelle a promis de maintenir son niveau actuel de soutien à l’Ukraine, mais le candidat républicain, Donald Trump, a menacé de retirer le financement américain à l’Ukraine s’il était élu.

« Le principal danger qui pourrait exister est qu’une baisse – même limitée – de l’aide européenne à l’Ukraine puisse s’accompagner d’une baisse particulièrement notable de l’aide des États-Unis si Donald Trump venait à arriver au pouvoir », prévient l’analyste.

« La question est : l’Europe peut-elle prendre le contrôle dans la situation actuelle ? C’est très difficile à imaginer. Il y aura clairement des domaines dans lesquels l’Europe ne pourra pas compenser l’absence ou la réduction de l’aide militaire et financière américaine. Néanmoins, l’Europe sait depuis un certain temps que la question de la guerre entre l’Ukraine et la Russie est d’abord une question européenne », a-t-il expliqué.

Le chancelier allemand Olaf Scholz est venu sur le dessus d'un char anti-aérien Gepard lors de la visite d'un programme d'entraînement pour les soldats ukrainiens
Le chancelier allemand Olaf Scholz est venu sur le dessus d’un char anti-aérien Gepard lors de la visite d’un programme d’entraînement pour les soldats ukrainiens

Renforcer l’industrie de la défense

Conscients de ce fait, les dirigeants de l’UE ont décidé en février dernier de créer un nouveau mécanisme pour l’Ukraine, d’un montant de 50 millions d’euros à dépenser jusqu’en 2027, pour soutenir le redressement du pays et les réformes qu’il doit entreprendre en tant que candidat à l’adhésion au bloc.

D’autre part, l’Union a compris qu’elle devait investir davantage dans sa propre industrie de défense afin d’aider l’Ukraine et de dissuader la Russie d’attaquer l’un de ses membres, en particulier ceux limitrophes de ce pays.

« Les Européens, en général, sont entre le marteau et l’enclume. D’un côté, il y a l’aide qu’il faut apporter à l’Ukraine pour lui permettre, je dirais, de résister à la pression russe. De l’autre, il y a la nécessité d’un réarmement européen et de davantage de ressources économiques. Les ressources budgétaires sont, par définition, limitées. Donc tous les pays européens, d’une manière ou d’une autre, dans les prochains mois, dans les prochaines années, devront faire des choix qui seront parfois douloureux », explique Alain de Neve.

Pour mieux gérer ce dossier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, souhaite qu’un des membres de son deuxième exécutif soit exclusivement dédié à un portefeuille de défense.

Elle sera chargée de gérer la première stratégie industrielle européenne de défense, qui vise à améliorer la préparation et la sécurité de l’Europe. La politique de sécurité et de défense de l’Union restera quant à elle entre les mains du chef de la diplomatie de l’UE, l’ancienne Première ministre estonienne Kaja Kallas ayant été choisie par les dirigeants européens pour remplacer Josep Borrell.

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