Icon of the Seas cruise ship docked in Ponce, Puerto Rico, 2 January 2024.

Jean Delaunay

Les croisières ont doublé de volume depuis 2000 : une ONG réclame une taxe de 50 € pour endiguer les émissions « hors de contrôle »

Bien qu’ils transportent 36 millions de passagers par an, les navires de croisière sont actuellement exemptés de taxes sur le carburant et de la plupart des taxes à la consommation.

Cinq fois plus grand que le Titanic, l’Icon of the Seas a été dévoilé début 2024 comme le plus grand navire de croisière du monde.

Cela met en évidence une tendance en spirale dans l’industrie : les plus grandes croisières ont plus que doublé de taille depuis l’an 2000.

Si cette trajectoire se poursuit, les navires pourraient atteindre une taille huit fois supérieure à celle du Titanic d’ici 2050.

Ils feraient ressembler le navire de 1912 à 10 ponts et 269 mètres de long « à un bateau de pêche », selon un nouveau rapport intitulé « Cruisesillas : jusqu’où les navires de croisière peuvent-ils aller ? » publié aujourd’hui par Transport & Environment (T&E).

Dans le rapport, T&E appelle à ce que des exigences climatiques plus rapides et plus strictes soient imposées aux navires de croisière, ainsi qu’à une divulgation complète et transparente de leurs émissions.

« Les navires de croisière passent beaucoup plus de temps dans les ports que les autres types de navires et présentent des risques sanitaires immédiats pour la population humaine et la nature », peut-on lire dans le rapport.

« Compte tenu de leur statut de luxe et de leurs pratiques extensives de greenwashing, les compagnies de croisière devraient être tenues de mener les efforts de décarbonisation du transport maritime et de tenir leurs promesses écologiques. »

« Cruisesilla 2050 » : quelle taille pourraient atteindre les navires de croisière ?

Le Titanic avait une capacité de 2 500 passagers et un tonnage brut (GT) – ou volume – de 46 300.

L’Icon of the Seas fait figure de vedette avec une capacité de 7 600 personnes et 248 700 GT. Réparti sur 20 ponts, il comprend sept piscines, un parc aquatique et plus de 40 bars et restaurants répartis dans huit « quartiers ».

D’ici 2050, si les croisières continuent de croître au rythme des 20 dernières années, T&E prédit que les plus grands navires pourraient transporter 10 500 passagers avec un GT de 345 000.

Le nombre de navires en mer a également augmenté de manière exponentielle au cours des dernières décennies, passant de 22 navires en 1970 à 521 aujourd’hui.

« Hors de contrôle » : est-il temps de sévir contre les émissions des navires de croisière ?

Des navires plus grands et plus nombreux signifient des émissions plus élevées : malgré la pandémie, les émissions de CO2 des croisières en Europe ont augmenté de 17 % entre 2019 et 2022, tandis que les émissions de méthane ont grimpé de 500 %.

Des campagnes populaires ont vu le jour en Europe et au-delà pour endiguer la vague de croisières, et certaines villes portuaires ont introduit leurs propres restrictions.

En 2021, Venise, en Italie, a interdit aux grands navires de croisière de mouiller dans son centre historique, tandis que Palma de Majorque et Barcelone, en Espagne, ont limité le nombre de navires de croisière autorisés à entrer quotidiennement. Amsterdam, elle aussi, a récemment annoncé son intention d’interdire les navires de croisière dans son centre-ville d’ici 2035.

Mais ces restrictions sont-elles suffisantes ?

« Le secteur des croisières est celui qui connaît la croissance la plus rapide et ses émissions deviennent rapidement incontrôlables », explique Inesa Ulichina, responsable du transport maritime durable chez T&E.

« Les croisières sont une activité de luxe et les opérateurs doivent assumer leur impact sur le climat. S’ils ne veulent pas devenir des visiteurs de plus en plus indésirables, ils doivent faire preuve de plus de prudence. »

L'Icon of the Seas, doté de 20 ponts, est actuellement le plus grand navire de croisière du monde.
L’Icon of the Seas, doté de 20 ponts, est actuellement le plus grand navire de croisière du monde.

Que faut-il faire pour contrôler la pollution des navires de croisière ?

T&E note que les navires de croisière sont actuellement exonérés de taxes sur le carburant ainsi que de la plupart des taxes sur les sociétés et les consommateurs.

Alors que près de 36 millions de vacanciers devraient partir en croisière en 2024, l’ajout d’une taxe de 50 € sur les billets de croisière rapporterait 1,6 milliard d’euros à l’échelle mondiale – et 410 millions d’euros rien qu’en Europe.

Ces fonds pourraient être utilisés pour décarboner l’industrie, par exemple en investissant dans les e-carburants à base d’hydrogène.

Selon le rapport de T&E, les carburants électroniques pourraient alimenter 4 % du transport maritime de l’UE d’ici 2030.

Certaines incitations financières sont déjà en place pour accélérer cette transition.

La réglementation européenne introduite cette année soumet les grands navires (plus de 5 000 GT) entrant dans l’Union au système d’échange de quotas d’émission. Ce système oblige les entreprises à acheter des quotas pour émettre du CO2, sous peine de lourdes amendes si elles n’en ont pas suffisamment pour couvrir leur production. Les quotas sont plafonnés dans tous les secteurs.

À partir de 2026, elle s’appliquera également aux émissions de méthane et d’oxyde nitreux, les plafonds étant progressivement abaissés au fil du temps.

Les sanctions pour l’utilisation de carburants marins sales augmenteront également progressivement à partir de 2025 dans le cadre du programme FuelEU Maritime.

Grâce à ces mesures, T&E estime que d’ici 2030, une croisière de sept jours naviguant avec des carburants fossiles rapporterait près de 144 000 € de plus en frais de carburant et de pénalités que ceux mélangeant de petites quantités d’e-méthanol fabriqué à partir d’hydrogène renouvelable dans leur mélange de carburants.

Avec le durcissement des réglementations, ce montant pourrait atteindre près de 400 000 € d’ici 2030 et 1,3 million d’euros d’ici 2050 pour chaque semaine de navigation.

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