À la rencontre de… Hélène Paumier
Adjointe à l’Éducation et aux écoles publiques à la Mairie de Poitiers
À quel âge et pourquoi vous êtes-vous engagée en politique ? Qu’est-ce qui vous a décidé ?
Concrètement, je me suis engagée très tard puisque pour la première fois de ma vie je suis élue à la mairie de Poitiers à l’âge de 49 ans. Mais c’est réellement à 47 ans que je me suis engagée avec la naissance du groupe Poitiers Collectif.
On peut dire que je me suis engagée plutôt tardivement, mais j’ai auparavant eu une vie militante, pas politique mais bien militante. Mais en même temps lorsqu’on fait du militantisme on est engagé dans la vie de la cité au sens étymologique de la politique.
J’ai également fait du militantisme pédagogique à travers mon métier puisque j’enseigne dans un lycée expérimental public où il y a des militants pédagogiques.
Et puis j’ai été militante dans l’éducation populaire avec les CEMÉA car j’en suis devenue présidente au niveau de la Nouvelle-Aquitaine. Avant tout cela j’ai milité auprès des sans-papiers dans un groupe à Poitiers.
Donc j’ai d’abord eu un engagement militant qui est ensuite devenu, aux alentours de ma quarantaine, un engagement politique.
Qu’est-ce qui vous a vraiment décidé à passer de militante à engagée à la mairie de Poitiers ?
C’est l’idée de Poitiers Collectif, qui est celle de redonner le goût aux citoyens et aux citoyennes pour la politique et de les faire revenir dans celle-ci, qui m’a particulièrement plu et qui m’a décidé à m’engager véritablement en politique. Ce groupe avait pour idée de faire une liste citoyenne de personnes encartées ou non-encartées. Et, au final, notre liste était majoritairement composée de personnes non-encartées avec sept organisations politiques représentées sur l’aile gauche de l’échiquier politique, avec les écologistes.
Quelles sont les valeurs, les enjeux, les batailles qui vous tiennent à cœur et que vous défendez à travers votre engagement ?
La première valeur que je défends est celle de la mixité sociale dans l’éducation. Notamment la notion d’éducabilité pour toutes et tous, et surtout le fait que l’école ne soit pas cette gare de triage qu’elle est encore selon moi. C’est vraiment le fait d’être dans un endroit de décisions de pouvoir qui me semblait être plus performant que d’être enseignante et plus intéressante que d’être dans l’institution Éducation Nationale elle-même. C’est donc ce qui m’a particulièrement intéressée.
La deuxième chose, c’est la hiérarchisation des priorités. C’était d’abord écrire un programme ensemble pour ensuite faire émerger une liste sans qu’il y ait de leader a priori, puis faire émerger une tête de liste. C’est donc l’émergence d’une nouvelle façon de faire de la politique qui soit plus transversale, moins hiérarchique, basée sur la construction du commun et sur la participation citoyenne ou ce qu’on appelle la démocratie participative.
Est-ce que ce n’était pas trop compliqué de se mettre d’accord sur un projet étant donné que plusieurs partis sont représentés dans Poitiers Collectif ?
Si, c’est ce qu’il y a de plus difficile. Ce qui est le plus compliqué, ce n’est pas de communiquer, de construire un programme, mais c’est bien de se mettre d’accord lorsqu’on n’a pas de leader. C’est savoir, à une quarantaine d’élus sur la majorité, discuter, avancer ses arguments et travailler ensemble lorsqu’on n’est pas d’accord. Mais je crois que, lorsqu’on n’est pas d’accord, chacun accepte de bouger un peu, de modifier sa place, et c’est ce qui fait la richesse de ce projet : on apprend tous ensemble et on n’exécute pas des décisions tranchées ailleurs.
Dans le cadre de la démocratie participative, comment faites-vous pour faire participer les citoyens de Poitiers et pour les intégrer le plus possible à la vie politique ?
Il y a des méthodes qu’on met en œuvre en interne dans les services municipaux de la mairie puisque nous avons emporté une mairie dans laquelle il y a déjà des services en place. On arrive donc dans une mairie où il y a une façon de travailler qui est plutôt en silo, avec peu de transversalité et surtout pas de service dédié à la question de la citoyenneté et de la démocratie participative. C’est un service que nous sommes en train de créer. Il faut également acculturer les services à notre façon de faire, c’est-à-dire on ne prend pas une décision sans faire de la consultation ou de la concertation. On va donc consulter pour prendre la température, évaluer la recevabilité par les citoyens et citoyennes de notre projet.
En externe, il y a l’exemple des budgets participatifs avec la mise en place d’urnes géantes très visibles sur les marchés et dans les quartiers de Poitiers. Les élus de Poitiers y sont présents pour montrer aux résidents qu’ils peuvent participer et être écoutés en déposant leurs projets dans les urnes. On rend donc visible de manière architecturale la participation citoyenne des habitants de la ville de Poitiers. Il y a également des jurys citoyens pour débattre et faire valoir différents points de réflexion, la mise en place d’une assemblée citoyenne et d’un référendum d’initiative citoyenne avec des citoyens choisis ou tirés au sort pour les faire participer. Il faut construire une culture pour que les françaises et les français comprennent qu’ils peuvent agir pour leur pays en commençant par le niveau local pour aller vers le national. Nous pensons qu’il faut commencer le plus tôt possible. Le conseil communal des jeunes concerne déjà les collégiens pour les faire participer à la vie de la ville mais nous aimerions commencer dès l’école élémentaire voire maternelle.
Pour faire simple, c’est donner la possibilité aux habitants de s’approprier le programme et de voir comment faire avec. C’est une co-construction de leur quotidien.
Votre profession n’a-t-elle pas été un frein à cet engagement ?
Cela demande de l’organisation entre les deux mais je crois qu’ils s’enrichissent. Ma pratique professionnelle qui vient d’un lycée expérimental dans lequel le collectif a un sens véritable rejoint parfaitement l’initiative de Poitiers Collectif.
Et inversement car, aujourd’hui, une connaissance des institutions m’offre une vision de ce qu’est une agglomération au niveau des institutions. Je pense donc que c’est un enrichissement, en tout cas pour moi car cela donne un élan à mon parcours professionnel.
De votre point de vue d’élue, comment voyez-vous la relation entre les jeunes et la politique ?
Une des particularités de la ville de Poitiers c’est le nombre élevé d’étudiants car ils représentent 30 000 habitants sur les 88 000 au total, mais cela ne nous empêche pas de constater une abstention très élevée dans cette tranche d’âge.
J’ai l’impression que la relation entre les jeunes et la politique est triangulaire et que les médias et l’information ont une place importante dans celle-ci. L’information nationale telle qu’elle est montrée ne favorise pas l’engagement politique des jeunes parce que ce qu’on voit de la politique dans les médias n’est pas de la politique mais réellement de la politique médiatique. La politique médiatique signifie que la politique est un spectacle, or je pense que la politique ne devrait pas en être un.
Il faut donc investir les médias et les réseaux sociaux pour montrer qu’il n’y a pas que la politique au niveau national et que les politiques locales existent différemment.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager ? Et que répondriez-vous aux jeunes qui considèrent que « ça ne sert à rien de s’engager » ?
Pour ceux qui souhaitent s’engager, je leur expliquerais tout d’abord que l’engagement peut prendre plusieurs formes. Cela peut être de l’engagement associatif, militant, politique ou un engagement qui peut tout simplement ne pas être marqué comme aller proposer de l’aide à son voisin … C’est donner du temps pour les autres mais aussi recevoir. Je lui dirais qu’il a tout à gagner à s’engager dans la société. Poser la question de l’engagement c’est poser la question du monde qui nous entoure.
Ceux qui disent que ça ne sert à rien j’aimerais leur expliquer qu’il ne faut pas penser que la politique c’est la politique médiatique. Il faut leur montrer que la politique c’est aussi aller un dimanche matin au marché pour discuter de certains projets, c’est faire une visioconférence avec une école pour parler, c’est être avec les gens et prendre de son temps pour l’offrir aux autres. Il faudrait montrer aux gens qui disent que ça ne sert à rien qu’ils font, en réalité, de la politique dans tous les choix de la vie qu’ils font.
Curieux de découvrir d’autres portraits d’engagés ?