US Secretary of State Anthony Blinken shakes hands at the EU-US Energy Council Ministerial meeting at the European Council building in Brussels, April 2023, File

Jean Delaunay

Euroviews. Démocrate ou républicain ? Dans tous les cas, l’Europe devra répondre au changement de cap de Washington

Les États-Unis demeurent le principal allié de l’Europe. Mais les intérêts de l’Europe ne coïncident pas entièrement avec ceux de Washington, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle américaine, écrit Jörg Rocholl.

Avant même la décision du président Joe Biden de se retirer de la course, l’élection présidentielle américaine du 5 novembre était l’événement politique mondial de l’année, projetant son ombre loin en Europe.

Les différences substantielles entre les candidats en termes de contenu et de style, et donc leurs impacts sur la sécurité et la prospérité de l’Europe, sont indiscutables.

On oublie souvent que des changements stratégiques majeurs sont en cours dans la politique américaine, indépendamment du résultat des élections. En d’autres termes, Donald Trump est moins le moteur de ce changement qu’il en est plutôt le symptôme.

Face à cette constatation, la réponse stratégique de l’Europe doit évoluer. Nous ne devons pas considérer le résultat des élections comme un lapin qui regarde un serpent, en espérant un résultat favorable.

Nous devons plutôt définir et représenter nos propres objectifs de manière indépendante et rapide, indépendamment des élections.

Washington va-t-il changer d’orientation ?

Plusieurs évolutions fondamentales témoignent de ce changement majeur aux États-Unis. Le pays est en train de réorienter de plus en plus son attention vers la région indo-pacifique.

Ce processus a commencé avec les slogans de pivotement vers l’Asie et de rééquilibrage sous Obama et a été poursuivi de manière encore plus intensive par Trump.

L’administration Biden considère la Chine comme le défi le plus grand et le plus global pour la sécurité des États-Unis.

Le président américain Donald Trump assiste à une réunion du Conseil de l'Atlantique Nord lors d'un sommet des chefs d'État et de gouvernement au siège de l'OTAN à Bruxelles, en juillet 2018, dossier
Le président américain Donald Trump assiste à une réunion du Conseil de l’Atlantique Nord lors d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement au siège de l’OTAN à Bruxelles, en juillet 2018.

La Chine restera donc dans un avenir proche le principal concurrent des Etats-Unis et fera l’objet d’une attention croissante. Les Etats-Unis exigeront de plus en plus que d’autres parties du monde choisissent leur camp dans cette compétition.

Les changements de politique économique sont également évidents. La loi sur la réduction de l’inflation (IRA) en est un signe particulièrement visible. Les droits de douane sur l’acier et l’aluminium introduits par l’administration Trump ne sont pas des exceptions ponctuelles à un ordre fondé sur des règles émanant de l’Organisation mondiale du commerce.

La décision selon laquelle les constructeurs automobiles européens ne bénéficieront pas de primes généreuses pour les voitures électriques aux États-Unis montre clairement la tension qui règne sur la coopération transatlantique.

Il existe un risque de concurrence entre l’Europe et les États-Unis, les deux parties tentant d’attirer des investissements grâce à des subventions gouvernementales.

Que doit faire l’Europe ?

Cette description a des implications essentielles pour l’Europe. Tout d’abord, l’Europe doit accroître ses dépenses en matière de sécurité et de défense. Cette démarche renforce non seulement les capacités de l’Europe, mais accroît également ses chances d’obtenir le soutien des États-Unis en contrant les accusations récurrentes de Trump contre les prétendus profiteurs européens.

Ce renforcement devrait inclure d’urgence une plus grande coopération entre les quelques États européens dotés d’industries de défense importantes, créant ainsi un système d’innovation européen qui pourrait également bénéficier au secteur civil.

Deuxièmement, des marchés de capitaux européens plus vastes et un renforcement de l’euro en tant que monnaie de réserve mondiale sont nécessaires.

Cela permettrait d’améliorer le financement de l’innovation et de la croissance en Europe et de renforcer son poids sur les marchés internationaux de capitaux, augmentant ainsi l’indépendance et les libertés stratégiques de l’Europe.

L’Europe n’a pas de problème de capitaux, mais de répartition de ces capitaux. L’intégration des marchés européens de capitaux serait une étape essentielle pour surmonter ce problème.

Troisièmement, il est nécessaire de conclure des accords commerciaux globaux avec d’autres parties du monde, comme l’accord avec le Mercosur. La diversification des marchés d’approvisionnement et de vente renforce la liberté stratégique de l’Europe et favorise la croissance économique.

Les États-Unis demeurent l’allié le plus important de l’Europe à bien des égards, notamment par le biais de l’OTAN. Il ne peut donc y avoir d’équidistance dans les relations de l’Europe avec la Chine et les États-Unis.

Mais les intérêts de l’Europe ne coïncident pas totalement avec ceux de Washington, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle américaine. L’Europe doit en prendre conscience et en tirer les conséquences qui s’imposent.

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