La gauche française n’a jamais eu de plan pour gagner, et cela pourrait lui coûter sa victoire.

Martin Goujon

La gauche française n’a jamais eu de plan pour gagner, et cela pourrait lui coûter sa victoire.

PARIS — Gagner a été la partie facile.

Mais une semaine après la victoire surprise de la gauche française aux élections législatives anticipées, le parti ne parvient toujours pas à se mettre d’accord sur le candidat qui devrait gouverner. Les quatre partis fondateurs de l’alliance ont déjà présenté au moins six candidats au poste de Premier ministre, tous rejetés. Les négociations semblent au point mort.

Dans la plupart des cas, la question de la direction du parti aurait été réglée avant le décompte final des voix. Le Rassemblement national d’extrême droite avait présenté Jordan Bardella comme candidat à Matignon, tandis que les centristes se sont ralliés au Premier ministre sortant Gabriel Attal.

Le Nouveau Front populaire (NFP) a été créé pour contrer l’extrême droite et s’opposer au mouvement centriste du président Emmanuel Macron. Rares étaient ceux qui avaient prédit qu’une campagne longtemps annoncée comme dominée par le Rassemblement national se terminerait avec une chance de pouvoir pour la gauche, y compris, semble-t-il, la gauche elle-même.

Si le NFP ne parvient pas à choisir rapidement un leader, ses adversaires pourraient s’infiltrer pour proposer une coalition alternative et, ce faisant, fracturer l’alliance de gauche avant même que ses membres n’aient eu la chance de prendre leurs sièges à l’Assemblée nationale.

Les critiques du NFP, dont Macron, n’ont pas tardé à lui reprocher de s’être uni sous une même bannière malgré des désaccords importants sur des questions stratégiques et politiques, notamment les guerres en Ukraine et à Gaza.

Les détracteurs du NFP, Macron y compris, n’ont pas tardé à lui reprocher de s’unir sous une même bannière. | Photo de piscine par Ludovic Marin via Getty Images

Pour masquer ces divisions, le NFP a choisi de ne pas présenter de chef de file pendant sa campagne. La coalition a remporté plus de 190 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale, ce qui est suffisant pour gagner, mais loin d’être suffisant pour obtenir une majorité.

La campagne de La France insoumise (LFI) et les socialistes ont tous deux revendiqué le droit de nommer un de leurs membres. LFI affirme avoir le plus grand groupe de gauche au Parlement et met en avant ses bons résultats à la dernière élection présidentielle. Les socialistes affirment que le parti a terminé premier des listes de gauche aux élections européennes et a augmenté son nombre de sièges au Parlement de manière plus substantielle que les autres partis de gauche.

La France insoumise a présenté quatre de ses dirigeants, dont le triple candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, tous rejetés par les socialistes. Ces derniers ont majoritairement plaidé en faveur de leur chef de parti, Olivier Faure, une proposition que les représentants de LFI ont rejetée.

« Si LFI veut quelqu’un de LFI, et les socialistes veulent un socialiste… ce n’est pas intéressant », a déclaré la cheffe des Verts, Marine Tondelier, lors d’une interview radiophonique dimanche.

La coalition semblait proche de parvenir à un accord en fin de semaine dernière, lorsque Fabien Roussel, du Parti communiste français, a proposé Huguette Bello, présidente du territoire français d’outre-mer de La Réunion. Bello a été députée pendant 13 ans, siégeant aux côtés des communistes, mais a ensuite soutenu Mélenchon et la France insoumise lors des élections présidentielles de 2022 et européennes de 2024. Elle préside une coalition de gauche à La Réunion qui comprend des représentants socialistes.

Le NPF doit faire face à sa première échéance jeudi, lorsque les législateurs nouvellement élus ouvriront la législature. | Alain Jocard/Getty Images

Cependant, les dirigeants socialistes ont finalement refusé de soutenir la candidature de Bello, la tuant ainsi de fait.

La France insoumise durcit désormais le ton, affaiblissant considérablement les perspectives d’un succès. Le mouvement de Mélenchon a déclaré qu’il ne participerait plus aux discussions sur la formation d’un gouvernement tant que « le Parti socialiste n’aura pas renoncé à son refus d’accepter toute autre candidature que la sienne » et « affirmé sa non-volonté de conclure un quelconque accord avec le camp pro-Macron ».

Dans un communiqué publié lundi, le Parti socialiste a rejeté l’idée selon laquelle il retarderait les négociations.

Espérant ramener LFI à la table des négociations, les Verts, les socialistes et les communistes ont indiqué lundi avoir présenté conjointement un potentiel Premier ministre extérieur à la sphère politique, dont le nom n’a pas encore été rendu public.

Les dirigeants centristes, quant à eux, suivent de près les luttes intestines à gauche, espérant qu’une rupture des négociations éloignerait le Parti socialiste de ses alliés plus radicaux et ouvrirait la perspective d’une coalition allant des sociaux-démocrates aux conservateurs.

Le temps presse. Le Nouveau Front populaire doit s’acquitter de sa première échéance jeudi, lorsque les députés nouvellement élus ouvriront les travaux de la législature. Premier point à l’ordre du jour : l’élection du président de l’Assemblée nationale, un sujet sur lequel la coalition de gauche n’est pas encore parvenue à s’entendre.

Le président de la chambre basse française est élu au scrutin uninominal majoritaire à trois tours. La majorité absolue est nécessaire pour l’emporter au premier ou au deuxième tour ; si aucun vainqueur ne se présente, celui qui obtient le plus de voix au troisième tour est élu.

Le bloc de gauche, étant le plus important à l’Assemblée nationale, aurait de bonnes chances de gagner si les membres de la coalition se mettent d’accord sur un candidat.

Ne pas le faire mettrait fin à la capacité du NFP à se présenter comme un groupe cohérent et comme la force motrice de la politique française.

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