PARIS — Le Premier ministre sortant Gabriel Attal a pris samedi la tête du groupe parlementaire centriste du parti Renaissance du président Emmanuel Macron, en s’emparant d’un canot de sauvetage pour sortir de la tempête politique qui secoue son gouvernement.
Les députés du parti Renaissance, qui appartient à la coalition Ensemble des partis soutenant le président français, ont voté pour Attal, qui s’est présenté sans opposition, samedi matin.
Attal est sur le point de perdre son poste actuel après l’arrivée en deuxième position du parti de Macron aux élections anticipées qui se sont terminées dimanche. Son nouveau poste lui permettra néanmoins de redevenir un acteur clé des libéraux au Parlement.
Le Premier ministre avait proposé sa démission après que le camp de Macron n’ait remporté que 168 sièges sur 577 à l’Assemblée nationale, lors du scrutin convoqué à la hâte par le président français après la défaite de son parti aux élections européennes du 9 juin. Macron a demandé à Attal de rester en poste comme une sorte de Premier ministre par intérim pour « la stabilité » du pays, aucun parti ou alliance n’ayant obtenu la majorité au Parlement.
Cette époque touche désormais à sa fin.
Les relations entre Attal et le président s’étant détériorées ces dernières semaines selon des initiés du parti Renaissance, l’élection rapide d’Attal est également un signe que les députés alliés à Macron qui ont survécu aux élections anticipées cherchent désormais à se libérer du style de leadership autoritaire du président.
2022
2024
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Groupe | Des places | Changement | Votes |
---|---|---|---|
Nouveau Front Populaire (NFP) |
188 |
+57
|
26,3 % |
Ensemble (ENS) |
161 |
-76
|
24,7 % |
Alliance du Rassemblement National (RN) |
142 |
+53
|
37,1 % |
Les Républicains (LR) |
48 |
-13
|
6,2 % |
Autre |
38 |
-21
|
5,6 % |
«Désormais, la politique du haut vers le bas est terminée, elle est du bas vers le haut», a déclaré un responsable du parti Renaissance à Playbook Paris cette semaine.
Attal, 35 ans, est devenu le seul candidat à ce poste après le retrait de l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne, réélue au Parlement la semaine dernière, un retrait que le député Renaissance Sylvain Maillard a salué comme « un choix d’unité ».
Cette démonstration de solidarité contraste avec les négociations difficiles au sein de l’alliance de gauche du Nouveau Front populaire, qui a obtenu le plus de sièges aux élections. Le groupe de gauche peine à s’entendre sur un nom à proposer pour le poste de Premier ministre.
L’élection d’Attal est aussi un signe que le gouvernement actuel de Macron n’est pas près de durer. Jeudi, les députés voteront sur plusieurs postes clés à l’Assemblée nationale – y compris son président – et les libéraux ont besoin de tous les votes possibles, y compris ceux des ministres sortants qui doivent revenir au Parlement. Les ministres en exercice ne peuvent pas participer aux votes du Parlement, selon la Constitution française.
Dans une lettre adressée mercredi aux Français, Macron avait déclaré qu’il fallait plus de temps pour construire des coalitions au sein du Parlement. Le président français n’a pas été pressé de nommer un chef de groupe parlementaire pour avoir les mains libres avant le vote de jeudi sur le président de l’Assemblée nationale, qui sera également l’occasion de construire des coalitions, et éventuellement de choisir un Premier ministre.
Mais Attal avance à un rythme plus rapide.
Le Premier ministre « accélère le mouvement, là où le président voulait prendre son temps », estime l’éditorialiste de BFMTV Bruno Jeudy.
« Au contraire, Attal fonce. Il a sauvé la mise (pendant la campagne). Et il est aussi au centre politique du parti Renaissance à un moment où le groupe risque d’exploser », a déclaré M. Jeudy.
Attal n’était pas le premier choix du président pour le poste de chef de l’Etat à la suite des élections. Macron aurait préféré le ministre de l’Intérieur sortant Gérald Darmanin, qui a soutenu sa décision de convoquer des élections anticipées, écrit Paris Playbook.
D’autres alliés centristes comme Attal étaient contre le pari risqué du président, mais le Premier ministre s’est lancé dans la bataille avec l’enthousiasme d’un homme désespéré.
« Je n’ai pas choisi de dissoudre le Parlement, mais j’ai refusé de rester passif », a déclaré Attal après les résultats des élections de dimanche.
Les députés centristes ne s’en sortent pas aussi mal que prévu, et Attal apparaît comme le champion des troupes de Macron, qui, après avoir survécu à une épreuve de feu, ne veulent plus recevoir leurs ordres du président français.
Attal, qui nourrit des ambitions pour l’élection présidentielle de 2027, est également plus populaire que Macron, selon les sondages.
La brouille entre les deux hommes a déjà affecté la prise de décision au sein du gouvernement.
Après les résultats du premier tour des législatives, Attal a décidé de suspendre temporairement une réforme controversée des aides à l’emploi et de rouvrir les négociations, contre la volonté du président.
« Quand vous lancez des négociations, vous ne commencez pas par vous couper un doigt et l’offrir sur un plateau, vous ne cédez pas autant au début », a déclaré une personne familière de la pensée du président, qui a obtenu l’anonymat pour s’exprimer en toute franchise.
Mais si l’accession d’Attal à un poste important au Parlement lui donne un emploi prometteur, ce n’est pas exactement une retraite dorée.
Premièrement, la coalition centriste qui soutient Macron risque d’exploser. Vendredi, Darmanin a prévenu que l’élection d’Attal ne résoudrait pas les « grandes questions » de « la position du parti » et de « son fonctionnement », dans une lettre adressée aux députés de Renaissance.
De son côté, le député Sacha Houlié a annoncé qu’il ne ferait plus partie de Renaissance, souhaitant plutôt construire son propre groupe qui pourrait inclure des députés « de la droite sociale à la gauche socialiste ».
Attal sera aussi au centre d’une éventuelle coalition qui inclurait les centristes, avec le risque qu’il passe un accord avec la droite, il perde des députés de gauche. Mais s’il s’engage avec la gauche, il perdra son aile droite.
Quels que soient les accords de coalition que le Premier ministre sortant souhaite construire, il devra toujours composer avec son ancien mentor Macron, qui, en tant que président, est chargé de nommer le prochain Premier ministre.
Et une fois nommée, cette personne aura besoin de toute l’aide possible des dirigeants parlementaires – non seulement pour faire passer des lois, mais simplement pour survivre dans un parlement sans majorité absolue.