Jets privés ou EasyJet, le grand écart des voyages ministériels

Martin Goujon

Jets privés ou EasyJet, le grand écart des voyages ministériels

Une nuit d’hôtel à Montréal pour 310 euros pour un ministre ; 14 600 euros pour l’hébergement de l’ensemble d’une délégation ministérielle pendant deux jours à Singapour ; un aller-retour en jet privé à 45 000 euros pour une autre ; un voyage d’une centaine d’euros dans un vol faible coût jusqu’en Egypte pour une troisième… Les voyages ministériels sont très diversifiés.

Un train de nuit pour se rendre à Kiev ou un jet privé pour fêter le 14 juillet à Bucarest apparaissent dans les justifications de déplacement et d’hébergement des (futurs ex-)ministres lors de leurs voyages à l’étranger demandés à L’Observatoire de l’Europe en juin 2023 à plusieurs ministères. Après une période d’attente, et le dépôt de plusieurs recours devant le tribunal administratif, la plupart ont répondu.

Un seul ministère nous a fait faux-bond : le ministère de l’Économie et des Finances. Il n’a répondu ni à notre demande, ni à celle du juge administratif. « Ça ne devrait pas tarder », promettait mi-juin une conseillère de Bruno Le Maire, mais aucun document n’a encore été transmis. Le tribunal administratif va se pencher sur le sujet à la fin de l’été.

Pour les déplacements, l’utilisation de la flotte d’avions gouvernementale est soumise à la validation de Matignon, nous explique un conseiller ministériel. Et s’ils ne sont pas disponibles, les ministres se rabattent vers des vols commerciaux ou doivent réorganiser leur emploi du temps.

Certains ministres ont fait usage de jets commerciaux privés. Parmi les documents obtenus par L’Observatoire de l’Europe, on retrouve la trace d’un voyage de Chrysoula Zacharopoulou le 14 juillet 2022 vers Bucarest pour 34 000 euros. Sur place, le secrétaire d’Etat chargé du Développement assiste à une conférence en soutien à la Moldavie, « à la demande du ministre » des Affaires étrangères et participe à la célébration de la fête nationale à l’ambassade.

« Entre les cérémonies du 14-Juillet (à Paris) et la conférence, elle n’avait pas d’autres solutions que cette solution là », explique le porte parole du Quai d’Orsay, précisant que cette demande de voyage en jet a été « dûment validée » par le chef de cabinet du Premier ministre.

Quelques mois plus tard, Catherine Colonna s’est rendue à Berlin pour près de 43 000 euros, elle aussi par le biais d’un jet privé, pour assister à une réunion des ministres des Affaires étrangères du G7.

Mais c’est loin d’être la norme. Pour se rendre à Charm el-Cheikh en novembre 2022 pour la COP27, Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition énergétique a ainsi pris un vol avec EasyJet, au départ de Milan qui lui a coûté 93 euros. Le retour, affrété par Egypt Air en classe économique a coûté 758 euros.

Dans le même temps, Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat à l’Ecologie préférait Air France à l’aller, et EasyJet au retour, pour un coût total de 2 400 euros.

La plupart des voyages ministériels en vols commerciaux s’effectuent en classe affaires.

Les villes européennes connectées au réseau à grande vitesse français sont bien souvent ralliées en train, que ce soit Londres, Bruxelles, Luxembourg ou Rotterdam.

Une exception à cette règle : Amélie Oudéa-Castera a effectué un vol entre Paris et Londres, fin juillet 2022. « Les trajets des ministres se font systématiquement en train lorsque l’agenda et le déroulement des déplacements le permettent », explique l’un de ses conseillers.

D’autres villes sont un peu trop lointaines : on se souvient que Clément Beaune avait rallié Berlin en avion pour inaugurer, au retour, le train de nuit entre les capitales allemandes et françaises.

Le train est également utile pour se rendre en Ukraine. Deux ministres ont effectué un voyage vers Kiev — Sébastien Lecornu et Clément Beaune — en passant par la Pologne ou la Moldavie.

On découvre la location de deux véhicules blindés en Ukraine pour l’ancien ministre délégué aux Transports et son équipe pour 10 000 euros pendant deux jours ou que le voyage en train de nuit de Przemyśl, en Pologne, vers Kiev de Sébastien Lecornu a été réglé en espèces.

Dans les documents transmis, certains éclairent les séjours d’Amélie Oudéa-Castera lors de la Coupe du Monde au Qatar en décembre 2022.

Elle a fait trois allers-retours en avion en dix jours. Son premier voyage, du 9 au 12 décembre, elle l’a effectuée en classe « business elite » de Qatar Airways, pour 7 000 euros l’aller-retour. Elle est arrivée le 10 décembre au matin à Doha, pour repartir le lendemain, tard dans la nuit, et arriver à Paris le 12 décembre au matin.

Deux jours de travail à Paris, et elle décolle à nouveau pour Doha dans l’avion présidentiel pour la demi-finale face au Maroc, puis, trois jours plus tard, elle se rebelle pour la finale face à l’Argentine.

Une note transmise par l’ambassade de France au Qatar détaille les privilèges pouvant être accordés au ministre : suite présidentielle et cinq chambres pour les collaborateurs, billets pour la tribune principale ou la zone VIP et voiture blindée, notamment.

« L’hébergement de l’ensemble de la délégation a été organisé par l’ambassade de France, dans le cadre d’un protocole d’invitation prévu par le ministère des Affaires étrangères du pays hôte », confirme-t-on au ministère des Sports.

Les deux nuits passées à Doha par le ministre à l’occasion de la finale ont été prises en charge par l’Elysée et refacturées 8200 euros au ministère des sports.

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