Olivier Faure, First Secretary of the Socialist Party, after the second round of the legislative elections, July 7, 2024, at the party election night headquarters in Paris.

Jean Delaunay

Le Nouveau Front populaire de gauche affirme pouvoir diriger la France en tant que gouvernement minoritaire

Le Nouveau Front populaire a remporté le plus grand nombre de sièges aux élections législatives anticipées en France, mais est loin d’obtenir la majorité absolue.

Les partis du Nouveau Front populaire (NFP), parti de gauche qui a créé la surprise en arrivant en tête des élections législatives anticipées en France, ont affirmé qu’ils avaient le droit de gouverner et se sont engagés à contenir l’extrême droite à leur retour à l’Assemblée nationale jeudi.

« Nous sommes, dès aujourd’hui, au travail. Nous sommes au travail avec nos partenaires du Nouveau Front populaire, nous sommes au travail avec le groupe La France insoumise, et nous prétendons toujours gouverner ce pays », a déclaré à la presse Mathilde Panot, cheffe de file du parti d’extrême gauche La France insoumise (LFI), à son arrivée à l’Assemblée nationale.

« (Le président français) Emmanuel Macron doit se plier au choix des urnes », a-t-elle ajouté.

Le NFP, créé dans les 48 heures suivant l’annonce par Macron de la dissolution du Parlement le 9 juin, est composé de divers partis de gauche, dont LFI et le Parti communiste, ainsi que de forces plus modérées comme les socialistes et les Verts.

Ensemble, ils ont défié les attentes des sondeurs et ont fait échouer la tentative du Rassemblement national (RN) d’extrême droite de remporter le scrutin anticipé et de revendiquer une participation dans le prochain gouvernement.

Le NFP a obtenu jusqu’à 193 sièges, devant la coalition centriste Ensemble de Macron, qui a elle-même surpris en arrivant deuxième avec 164 sièges, et le RN et ses alliés, qui sont repartis avec 143 sièges.

Aucun d’entre eux n’a cependant remporté les 289 sièges nécessaires pour obtenir la majorité absolue et donc le droit de gouverner seul.

Mais le NFP semble croire que c’est possible.

Macron « doit respecter le choix des électeurs »

« Nous demandons au président de la République (…) de nous laisser gouverner », a déclaré mardi le dirigeant communiste Fabien Roussel dans un entretien publié dans le quotidien régional Midi Libre, affirmant que le NFP « est le plus nombreux, prêt à s’asseoir et à travailler avec le programme présenté aux électeurs ».

Un tel scénario impliquerait une « cohabitation », dans laquelle le président serait issu d’un parti différent de celui de son Premier ministre et de son cabinet. La France a déjà connu trois cohabitations de ce type, mais à chaque fois elles faisaient suite à des élections législatives qui ont donné un mandat clair et une majorité importante à un seul courant politique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Le NFP pourrait aussi tenter de gouverner avec une majorité relative, mais cela a ses limites, comme Macron peut en témoigner.

Le Premier ministre français Gabriel Attal et le président Emmanuel Macron assistent à une cérémonie à Paris, le 20 mars 2024
Le Premier ministre français Gabriel Attal et le président Emmanuel Macron assistent à une cérémonie à Paris, le 20 mars 2024

Le président a perdu sa majorité absolue il y a deux ans en ne conservant que 246 députés quelques semaines après avoir été réélu à la tête du pays.

Ses appels à un compromis entre les différentes factions sont pour la plupart tombés dans l’oreille d’un sourd, son gouvernement faisant passer des réformes en utilisant l’article controversé 49.3 de la constitution qui lui permet de contourner un vote mais le laisse ouvert à une motion de censure.

Le NFP a survécu à ces motions de censure parce que les différents partis d’opposition n’ont pas réussi à s’entendre sur une plateforme commune. La marge était également plus réduite : la coalition de Macron était à 43 sièges de la majorité absolue, tandis que le NFP est désormais à environ 96 sièges de la majorité absolue.

Dans son entrevue, Roussel a néanmoins soutenu que cela pourrait fonctionner si les députés d’Ensemble « respectaient le choix des électeurs qui nous ont mis en tête ».

« Si les députés macronistes ne votent pas les motions de censure, notre gouvernement pourra gouverner », a-t-il déclaré.

Le NFP s’est engagé à abroger l’abrogation de l’impôt sur la fortune par Macron et la réforme des retraites adoptée l’année dernière qui a repoussé l’âge de la retraite de deux ans à 64 ans, entre autres mesures.

« La seule réponse est une large coalition »

Clément Beaune, un proche allié de Macron qui a perdu son siège lors des élections anticipées, a semblé jeter un froid sur la lecture de la situation faite par le NFP mardi.

L’ancien ministre des Transports a reconnu sur la plateforme sociale X que le fait d’être arrivé en tête des urnes conférait des « droits » au NFP. Il a néanmoins fait valoir que l’absence de majorité et le fait que de nombreux députés de gauche et du centre aient été élus « non pas uniquement sur leur programme » mais dans le cadre du soi-disant « front républicain » pour empêcher le RN d’arriver au pouvoir ne donnaient pas carte blanche au NFP victorieux.*

« La seule réponse est une large coalition avec laquelle les dirigeants des partis doivent commencer à négocier », écrit-il.

Macron et son Premier ministre, Gabriel Attal, qui a présenté sa démission lundi mais a été prié de rester en poste en tant que ministre des affaires étrangères, ont signalé leur volonté d’entrer dans une coalition dite arc-en-ciel composée de « modérés ».

Cela exclurait LFI, que beaucoup dans les rangs de Macron considèrent comme tout aussi extrême que le RN, mais inclurait les 39 députés dissidents de droite Les Républicains (LR) qui ont rejeté l’alliance pré-électorale avec le RN conclue par leur président, Eric Ciotti.

Mais Lauren Wauquiez, présidente du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et figure influente du parti LR, a déclaré qu’il n’entrerait « dans aucune coalition et aucun compromis ». De leur côté, les dirigeants du NFP ont, pour l’instant, assuré qu’ils continueraient à travailler ensemble.

Mais des fissures pourraient bientôt apparaître.

Jean-Luc Mélenchon, fondateur de France Unbowed, un parti d'extrême gauche, touche Mathilde Panot, ancienne cheffe de son groupe à l'Assemblée nationale à Paris, le 7 juillet 2024
Le fondateur de France Unbowed, Jean-Luc Mélenchon, touche Mathilde Panot, ancienne cheffe de son groupe à l’Assemblée nationale à Paris, le 7 juillet 2024

Les dirigeants du NFP ont tenu des heures de discussions, y compris au cours des deux nuits précédentes, pour se rassembler sur un certain nombre de questions, notamment qui ils aimeraient voir au gouvernement et qui devrait accéder au rôle de Premier ministre, une décision qui, en théorie, reste la seule responsabilité de Macron.

Jean-Luc Mélenchon, le chef de file controversé de LFI, a déclaré qu’il aimerait ce poste, ce qui ne plaira probablement pas aux autres partis du NFP. Olivier Faure, le chef de file du PS, s’est également porté candidat, déclarant mardi à la presse : « Je suis prêt ».

« Mais dans le dialogue avec les partenaires parce que je pense que personne ne peut s’imposer à qui que ce soit », a-t-il également déclaré.

Devant l’Assemblée, le groupe socialiste a été accueilli par des manifestants dénonçant l’alliance du parti avec LFI. Ils portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « l’antisémitisme n’est pas un projet de société » et scandaient « Front républicain, ne te compromettons pas. On ne veut pas d’antisémites », en référence à Mélenchon, accusé de minimiser l’antisémitisme.

« Nous vivons dans un temps emprunté »

Une chose sur laquelle les différents partis du NFP semblent s’accorder pour l’instant est la nécessité d’empêcher le RN d’assumer des rôles de direction à l’Assemblée nationale.

« Nous sommes en sursis avec l’extrême droite, soit nous réussissons et dans ce cas nous écarterons peut-être pour longtemps la menace de l’extrême droite, soit nous échouons et alors nous risquons de les voir arriver malheureusement cette fois avec une majorité absolue », a déclaré M. Faure.

Le parti d’extrême droite dispose de la plus grande délégation au parlement – le NFP et Ensemble sont des coalitions de partis – ce qui a conduit certains à affirmer que l’un de leurs députés devrait obtenir le rôle de président ou de président de l’Assemblée.

Panot et Cyrielle Chatelain, l’une des deux coprésidentes du groupe des Verts à l’Assemblée, ont démenti mardi.

Ce sont les électeurs, a déclaré Mme Chatelain aux journalistes alors que son groupe de 33 députés s’apprêtait à entrer au Parlement pour la première fois, qui « ont bloqué (le RN) dans les urnes, c’est donc notre responsabilité de le bloquer à l’Assemblée nationale ».

« L’extrême droite n’est pas compatible avec la République, donc le RN ne doit occuper aucun poste de direction dans cette Assemblée, c’est le mandat qui nous est donné par les électeurs », a-t-elle ajouté.

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