The Eurovision Song Contest trophy held by Sweden

Jean Delaunay

Eurovues. Ne faites pas taire l’histoire d’Israël à l’Eurovision

Si elle ne permet pas à Eden Golan d’interpréter sa chanson « October Rain » telle qu’elle est écrite, l’UER négligerait l’expérience vécue par Israël, rejetant indirectement les souffrances de l’État juif.

Chaque année, j’attends avec impatience le Concours Eurovision de la chanson, un événement magnifique où des chanteurs de pays d’Europe et d’ailleurs partagent leurs histoires.

Ce rassemblement exceptionnel offre une scène culturelle aux nations participantes pour offrir un aperçu de leur culture, de leur histoire et de leur mode de vie. C’est une plateforme pour découvrir, célébrer et respecter différents peuples.

C’est une célébration de la musique et du style de vie. Tandis que les drapeaux des différentes nations sont brandis, l’esprit est celui de la fraternité et de la camaraderie.

Les chanteuses israéliennes Dana International et Netta Barzilai, lauréates du concours Eurovision de la chanson, se produisent à Tel Aviv, mai 2019
Les chanteuses israéliennes Dana International et Netta Barzilai, lauréates du concours Eurovision de la chanson, se produisent à Tel Aviv, mai 2019

Israël a toujours été un participant fascinant, présentant une musique et des artistes qui reflètent sa diversité.

Dana International, le premier transgenre lauréat de l’Eurovision en 1998, symbolisait la société progressiste israélienne.

La chanson emblématique « Hallelujah » de 1979 incarnait l’esprit plein d’espoir et dynamique du peuple israélien et plus récemment, en 2018, « Toy » de Netta Barzilai annonçait l’émergence d’une nouvelle génération créative de musique israélienne.

Ils ont tous été accueillis favorablement par nos frères et sœurs européens. La politique et l’idéologie sont mises de côté dans une célébration de l’Europe.

La chanson d’Israël n’est ni politique ni agressive

En tant que Belgo-Israélien, je suis doublement investi dans la compétition, encourageant les deux pays qui me sont chers.

Cependant, suite au massacre barbare perpétré par le Hamas le 7 octobre, l’esprit culturel d’Israël a été affecté.

Avec 130 citoyens toujours détenus à Gaza, des familles en deuil, des soldats sacrifiant leur vie dans les combats contre le Hamas et 200 000 personnes déplacées en raison du conflit aux frontières sud et nord, notre humeur nationale n’est pas à la fête.

Notre pays est en deuil, se sent isolé et menacé. Cette tristesse est notre vérité présente.

Nous ne pouvons pas cacher notre angoisse simplement parce qu’elle ne correspond pas au récit de joie de l’Eurovision. L’histoire d’Israël ne peut pas être réduite au silence, tout comme nous ne pouvons pas faire taire les histoires des autres.

Une femme tient un masque représentant les visages de Shiri Bibas et de ses fils Kfir et Ariel, Israéliens retenus en otage par le Hamas, lors d'une manifestation à Tel Aviv, février 2024.
Une femme tient un masque représentant les visages de Shiri Bibas et de ses fils Kfir et Ariel, Israéliens retenus en otage par le Hamas, lors d’une manifestation à Tel Aviv, février 2024.

Malheureusement, l’Union européenne de radiodiffusion (UER) envisage de disqualifier Israël en raison de ce qu’elle qualifie de paroles « politiques ».

Ces dernières années, l’UER a disqualifié très peu de chansons parce qu’elles étaient politiques, la Géorgie ayant été disqualifiée en 2009 pour avoir écrit une chanson sur Vladimir Poutine, et la Biélorussie en 2021 qui se moquait des manifestations contre le président Alexandre Loukachenko.

L’entrée d’Israël, qui sera interprétée par Eden Golan, ne contient aucune attaque politique ou personnelle de ce type.

« Tout est noir et blanc. Qui est le fou. Qui vous a dit que les garçons ne pleuraient pas. Des heures et des heures et des fleurs. La vie n’est pas un jeu de lâches… Tandis que le temps passe. Chaque jour, je perds la tête. Tenir bon », sont les paroles.

Aucune mention de politique ni même de mention ouverte de la guerre qu’Israël mène contre le Hamas

Il ne s’agit que d’une réflexion sur la nécessité de surmonter les défis et résume l’état d’esprit de nombreuses personnes face à la plus grande perte de vies juives depuis la fin de l’Holocauste.

L’angoisse et la souffrance ne doivent pas être réduites au silence

Si elle ne permet pas à Golan d’interpréter sa chanson « October Rain » telle qu’elle est écrite, l’UER négligerait l’expérience vécue par Israël, rejetant indirectement les souffrances de l’État juif.

Nous ne pouvons pas cacher notre angoisse simplement parce qu’elle ne correspond pas au récit de joie de l’Eurovision.

L’histoire d’Israël ne peut pas être réduite au silence, tout comme nous ne pouvons pas faire taire les histoires des autres.

Si Israël n’a pas le droit de partager « October Rain », d’autres pays doivent reconsidérer leur participation au concours de cette année. Ils ne devraient pas cautionner une culture d’annulation ou de déni.

Certes, les nations sont parfois confrontées à des réalités dures et loin d’être festives, mais celles-ci méritent également de s’exprimer sur les scènes internationales comme l’Eurovision.

Laisser un commentaire

deux × 1 =