La désinformation sur la guerre entre Israël et le Hamas est monnaie courante sur les réseaux sociaux. Mais ce qui ressort de ce chaos en ligne, c’est qu’un grand nombre de comptes qui propagent ces faux récits proviennent principalement d’Inde.
Une vidéo montre un homme transporté sur une civière, le corps recouvert d’une couverture blanche. Tout d’un coup, les sirènes se mettent à hurler et les hommes qui portent la civière s’enfuient.
Après quelques instants, l’homme s’échappe du sac mortuaire et s’enfuit.
« Regardez comment les islamistes construisent leurs récits. Un garçon mort prend soudainement vie ! Alors que les sirènes commencent à retentir, le faux cadavre se relève également et se met à courir. » » a tweeté un utilisateur X.
D’autres récits indiens prétendent à tort que les Gazaouis simulent des blessures et des morts afin de gagner la sympathie de l’Occident.
Cette vidéo ainsi que la légende ont été partagées des milliers de fois sur les réseaux sociaux par des comptes indiens.
Mais en effectuant une recherche d’image inversée, nous pouvons retracer le clip jusqu’à une chaîne d’information arabe. La vidéo originale a été publiée en 2020 et aurait été filmée en Jordanie.
Selon BOOM, un site indien de vérification des faits, plusieurs utilisateurs indiens de X auraient été à la tête de cette campagne de propagande anti-palestinienne.
Ces soi-disant « désinfluenceurs », ou influenceurs qui partagent de la désinformation, ont principalement attaqué les Palestiniens en ligne tout en déclarant leur soutien à Israël.
Tensions entre hindous et musulmans en Inde
Mais la grande question est : pourquoi ces comptes indiens propageraient-ils de la désinformation ?
« Nous arrivons à la saison électorale en Inde. Il y aura des élections nationales l’année prochaine et des élections locales à venir », a expliqué Nicolas Blarel, expert en politique indienne et professeur agrégé de relations internationales à l’université de Leyde.
« Il s’agit clairement d’une arme de mobilisation. Il existe en Inde des tensions entre hindous et musulmans qui augmentent souvent à l’approche des élections. »
Un rapport de Logically Facts, une organisation spécialisée dans la surveillance de la désinformation, explique également que cette campagne de désinformation intervient à l’approche des élections indiennes, qui auront lieu au printemps 2024.
Le sentiment anti-musulman s’est accru en Inde depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi et de son parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BPJ), en 2014.
Régulièrement accusé de stigmatiser les musulmans, le BJP est farouchement opposé à son homologue pro-palestinien, le Congrès.
Selon un rapport publié en septembre par Hindutva Watch, un groupe basé à Washington surveillant les attaques contre les minorités, 255 incidents documentés de discours de haine visant les musulmans ont été enregistrés au cours du premier semestre 2023.
La très grande majorité de ces événements se sont produits dans des États et des territoires de l’Union dirigés par le BJP.
Nicolas Blarel a d’ailleurs remarqué que l’Inde est devenue de plus en plus fascinée par Israël au cours des dernières décennies.
« Les partisans du BJP considèrent qu’ils sont confrontés à des menaces similaires à celles d’Israël en matière de terrorisme », a-t-il déclaré.
Le pays a été victime d’attaques de la part de ce qu’il considère comme des groupes armés soutenus par l’État pakistanais.
Tous deux ont mené une série de guerres depuis 1947, en grande partie dans la région du Cachemire, revendiquée par les deux pays.
Alors que d’autres plateformes comme Meta repensent la manière de lutter contre les discours de haine et la désinformation, X (ancien Twitter) est à la traîne.
Le mois dernier, l’Union européenne a lancé une enquête sur X pour déterminer si la plateforme n’avait pas respecté les nouvelles règles de l’UE en laissant sévir des contenus illégaux et des désinformations liés à l’attaque du Hamas contre Israël.
S’il est reconnu coupable, X pourrait se voir infliger des amendes pouvant atteindre 6 % de son chiffre d’affaires mondial.